Fédération Québécoise des Massothérapeutes Agréés

Le langage non verbal en massothérapie

Dossiers

Comme massothérapeute, vous êtes fréquemment témoin de signaux non verbaux provenant des personnes qui reçoivent vos massages. Y portez-vous attention ? Savez-vous comment agir lorsque vous les décelez ? Puisque la communication est une partie importante de toute relation thérapeutique, vous aurez avantage à augmenter votre capacité à reconnaître et à vous servir du langage non verbal pour améliorer la façon dont vous accompagnez vos clients. Cela peut se faire pendant le massage pour ajuster le soin, mais aussi avant celui-ci, pour installer un climat de confiance.

Qu’est-ce que le langage non verbal ?

Selon une étude du professeur Albert Mehrabian[1], le langage non verbal représente plus de 93 % du message qui est véhiculé lors d’un échange ou d’une communication entre deux personnes. C’est donc dire que les mots sont bien secondaires pour se faire comprendre ! Il englobe tous les signaux conscients et inconscients du corps qui fournissent des renseignements sur l’état émotionnel ou physique, ou sur les intentions d’une personne. Il se transmet entre autres par l’attitude du corps, le regard, les expressions du visage, la posture, l’intonation, la respiration, l’odeur et les mouvements.

Selon le massothérapeute agréé certifié Michaël Harvey, qui possède aussi une formation en thérapie de relation d’aide psychocorporelle intégrative, « sans exprimer de mots, le langage non verbal donne accès à une multitude d’informations nous permettant de mieux accompagner la personne et de mieux adapter le massage. » On pense facilement aux réactions physiques d’un client au moment du soin, mais avant même d’être sous vos mains, celui-ci vous transmettra des informations essentielles de façon inconsciente.

Le langage non verbal pour créer une alliance

Dès le début de la séance, un échange s’amorce. Des mots, des gestes, des regards… Parfois, quelques confidences peuvent avoir lieu. C’est alors le bon moment de créer ce que Michaël Harvey appelle une alliance. « Dans une relation thérapeutique, il est important de créer une alliance entre le thérapeute et son client, explique-t-il. Plus l’alliance est forte, plus le sentiment de sécurité s’installe et plus la personne s’ouvre à elle-même et à son expérience. L’attention portée au langage non verbal vous aidera à solidifier l’alliance entre vous et votre client. Un client en confiance sera plus ouvert, plus détendu et donc plus réceptif au traitement qu’il est venu chercher.

Le langage non verbal pendant le massage

Dans le contexte d’un massage, la lecture du langage corporel peut s’avérer difficile, mais elle demeure essentielle : plus le client et le massothérapeute se comprendront, meilleures seront les chances que l’un et l’autre soient satisfaits de la séance.

Mais attention!

Votre rôle, en tant que massothérapeute, n’est pas d’interpréter le langage non verbal, mais de suivre le mouvement et l’expérience du client. Toujours selon Michaël Harvey, « ce sont les mots du client qui comptent et non l’interprétation (souvent fausse) du massothérapeute qui serait ici basée sur son expérience personnelle. Nous avons tous nos propres codes et notre système décode les signes des autres en fonction de nos expériences du passé. »

Pour Michaël, le signe corporel manifesté par un client pourrait signifier de l’apaisement alors qu’en réalité, le client ressentirait plutôt de la libération. Autre exemple, le massothérapeute pourrait interpréter un autre signal comme de la tristesse alors que le client ressentirait de la déception.  

De plus, soulignons que le simple fait de tenter d’interpréter le langage non verbal relève plutôt de la synergologie, une discipline qui demande une formation spécifique et qui amènera la personne à décoder la gestuelle, comprendre l’émotion, déceler le mensonge, etc. Sans être un expert, vous pouvez déceler certains signes qui ne trompent pas : une contraction des doigts ou des sourcils, des mâchoires serrées, une jambe qui se raidit. La respiration peut changer, les orteils peuvent se serrer entre elles, le corps peut se braquer…

Quatre outils peuvent vous aider à maximiser votre travail avec le langage non verbal 

  1. La présence à soi et à l’autre

Ces deux éléments sont interdépendants. Être présent pour soi signifie être suffisamment disponible à sa propre expérience (ce que vous ressentez dans le présent, comment le vivez-vous, etc.). Être présent à l’autre est la capacité d’être à la fois présent à soi et d’être disponible à l’expérience de l’autre pour observer et reconnaître les signaux qu’il envoie. Pour être présent à l’autre, il faut absolument l’être d’abord pour soi.

  1. Le respect des frontières

Respecter les frontières signifie s’assurer que chacun ait son espace. On priorisera l’utilisation d’une frontière saine et souple sans envahissement, fusion ou abandon de votre part. Par exemple, être conscient que votre corps s’avance ou se recule alors que votre client se confie pour par la suite vous ajuster.

  1. Le non-jugement

Il est essentiel de ne pas tenter d’interpréter les signaux avec nos propres schémas. Lorsqu’on suppose, par exemple, qu’un signal non verbal signifie de la douleur, on porte un jugement sur ce que l’autre ressent.

  1. Les miroirs corporels

La technique du miroir consiste à amener l’autre à se nommer. Elle favorise la prise de conscience et permet à l’autre d’accéder réellement à ce qu’il ressent. Vous n’avez pas seulement accès à ce que vous entendez, mais à tout un corps qui s’exprime devant vous. Nous sommes habitués avec les mots, car ils sont réconfortants, mentalisés, rationalisés, interprétables et plus facilement maîtrisables, car nous sommes dans notre tête. La technique du miroir offre une vision précise du discours du client pour faire resurgir les informations nécessaires qui l’accompagneront vers les mouvements libérateurs.

Concrètement, lorsque vous observez un signe corporel chez votre client, vous pouvez nommer ou poser des questions comme : « Je vois que tu es touché. Lorsque tu me racontes cela, j’observe que ta respiration change. J’observe que ton corps se dépose. » Ou encore : « Je vois de l’intensité dans tes yeux. Qu’est-ce qui est présent pour toi en ce moment ? »

La crainte de déranger votre client

Plusieurs massothérapeutes craindront de gâcher le moment de leur client en s’adressant à lui pendant le massage. Or, que ce soit lors d’un massage de détente ou d’un massage thérapeutique, il est essentiel d’intervenir verbalement lorsqu’on perçoit une réaction. Monsieur Harvey enseigne d’ailleurs une technique fort intéressante à ses étudiants au cours d’Accompagnement et massage psychocorporel intégré (PCI) à l’Institut de formation en massothérapie du Québec. Il s’agit de la technique RAIR :

  • Respiration – amener le client à respirer
  • Attention – mener l’attention du client dans une zone environnante
  • Intervention – manœuvre de massage
  • Relâchement

En intervenant pendant un massage, vous ne serez pas en train de déranger le client. Vous le reconnaîtrez. Et comme le fait d’être reconnu, vu et entendu est à la base des besoins de l’humain, il y a fort à parier que votre intervention sera plutôt perçue de manière positive !

Référence :

https://ere-libre.com/communication-orale-regle-3-v-mehrabian/ [1]

Référence littéraire :

Duvernois, Isabelle (2013). Décoder le langage du corps : attention vos gestes parlent pour vous, Larousse, 224 p. (1)

Rédaction : Mariane Chartrand