Fédération Québécoise des Massothérapeutes Agréés

L’apport de la massothérapie avant et après une opération

Dossiers, Techniques

Que ce soit en préparation d’une intervention chirurgicale ou lors du processus de récupération qui s’ensuit, la massothérapie constitue une avenue des plus intéressantes pour apaiser l’individu et favoriser la guérison du corps. À condition, bien entendu, que le soin soit adapté au client et à ses besoins.

En collaboration avec Sylvie Lepage et Michel Van Waeyenberge, massothérapeutes agréés, et Caroline Claveau, inf., M.Sc(c) et professeure à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke. Madame Claveau est spécialisée en soins de plaies.

La chirurgie se veut une spécialité médicale qui permet d’intervenir sur un organe ou un tissu donné afin de rétablir ou d’améliorer la santé. Elle implique une incision de la peau et des tissus sous-jacents, donnant lieu à une plaie qui cicatrisera avec le temps.

La plaie ne constitue cependant pas la seule finalité de l’opération. Ses répercussions s’observent sur l’organisme entier, que ce soit avant ou après l’intervention : stress, appréhension, douleur, deuil. Il importe donc de considérer l’individu dans sa globalité afin d’assurer une préparation et une récupération optimales.

On reconnaît de plus en plus l’apport de la massothérapie dans les soins pré et postopératoires. En induisant une détente et un état de bien-être physique, psychologique et émotif, le massage favorise la guérison du corps et de l’esprit. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’intervention chirurgicale ne constitue pas une contre-indication absolue au massage, que le soin soit donné avant ou après l’opération.

Néanmoins, afin d’offrir un massage sécuritaire et efficace, le massothérapeute a la responsabilité d’aller chercher toute l’information nécessaire afin, d’une part, de décider du bon geste de massage et, d’autre part, d’adapter son soin en fonction du type d’opération et des besoins du client (voir tableau 1).

Avant l’opération : apaiser, réconforter, préparer le corps et l’esprit

L’approche d’une intervention chirurgicale est généralement source de stress et d’incertitudes : la peur de l’anesthésie, le risque de complications, l’attente. Et c’est sans compter la présence de douleur qui, souvent, limite les activités quotidiennes et diminue la qualité de vie.

Dans cette optique, la massothérapie constitue une option intéressante avant une opération. En plus de soulager la douleur, le massage aide à préparer mentalement et émotionnellement l’individu. « En tant que massothérapeute, on arrive à amener la personne vers un état calme et serein qui lui permettra de faire plus facilement face à ce qui s’en vient », explique Sylvie Lepage, massothérapeute agréée. Dans certains cas, le massage procure même au client un ancrage auquel il pourra recourir pour se détendre ultérieurement, s’il en ressent le besoin.

En pratique, le massothérapeute doit tenir compte de l’intervention chirurgicale prévue et des contre-indications locales au massage lorsque vient le temps de choisir les gestes à privilégier pendant le soin. La présence d’une tumeur ou d’une blessure amènera par exemple le massothérapeute à travailler en périphérie du site opératoire. Le positionnement du client revêt également une importance particulière afin d’éviter l’inconfort lors du massage. De plus, il sera intéressant de cibler le cou et la mâchoire du client afin d’assurer une flexibilité suffisante de la zone cervicale en prévision de l’anesthésie générale (intubation).

Les soins de massothérapie en présence d’une plaie chirurgicale

D’un point de vue légal, il revient aux médecins et aux infirmières[1], dans le cadre d’une activité réservée, d’évaluer et de cibler les traitements reliés aux soins de plaies, dont celles découlant d’une opération[2]. « En ce sens, les massothérapeutes ne peuvent procéder à l’évaluation d’une lésion chirurgicale ni décider du plan de traitement pour celle-ci », note Caroline Claveau, infirmière spécialisée en soin de plaies et professeure à la Faculté de médecine et de sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke. La massothérapie peut cependant être utilisée en complémentarité des soins médicaux afin d’optimiser la gestion de la douleur et la récupération de l’individu.

En pratique, il faut savoir qu’il n’existe pas de recommandations claires quant à la période minimale à respecter à la suite d’une intervention chirurgicale avant de recevoir un massage. Toutefois, « dans un contexte de soins sécuritaires, le massothérapeute devrait s’assurer que le patient ait revu son chirurgien au moins une fois depuis l’opération avant d’intervenir », note Caroline Claveau. Lors du rendez-vous de suivi, qui a lieu de quatre à six semaines après l’opération, le chirurgien vérifiera que la lésion s’est bien refermée. Il pourra également déceler un éventuel problème de cicatrisation ou une infection de la plaie, deux situations qui constituent une contre-indication locale au massage.  

Cela dit, le massothérapeute peut tout de même intervenir auprès d’un client n’ayant pas revu son chirurgien depuis l’opération. L’intention du massage, de même que le choix des techniques, des gestes et des manœuvres, dépendront non seulement du type de chirurgie et de la localisation de la plaie, mais aussi de l’état de santé et des besoins de la personne. Comme l’explique le massothérapeute agréé Michel Van Waeyenberge, « le massage ne sera pas le même deux, quatre ou six semaines après une opération ».

Afin d’adapter son intervention dans un contexte de soins postopératoires, le massothérapeute devra tenir compte des aspects suivants (liste non exhaustive) :

  • Travailler le corps dans son entier en évitant, au besoin, la zone opérée. Logiquement, une personne détendue récupérera plus rapidement qu’une autre crispée par la douleur et l’inconfort. En soulageant les contractures, le massothérapeute amène l’individu vers un état de bien-être et de relaxation propice à la guérison. Avec le temps, et selon la réponse et le seuil de tolérance du client, le massothérapeute pourra progressivement se rapprocher de la lésion afin d’y intervenir.
  • Éviter de travailler la zone opérée et sa périphérie, et ce, tant que le processus de cicatrisation n’est pas assez avancé et que la plaie ne s’est pas refermée. À moins d’indication contraire de la part du chirurgien, il est préférable d’éviter de masser directement une lésion chirurgicale ou ses alentours pendant au moins trois à quatre semaines suivant l’opération afin de ne pas nuire au processus de cicatrisation. Avant cette période ou avant que la rencontre postopératoire du client avec son chirurgien n’ait eu lieu, le massothérapeute qui voudrait masser la plaie de manière sécuritaire doit avoir reçu au préalable l’évaluation de celle-ci, de même que tout indication et contre-indication de la part d’un médecin ou d’une infirmière (l’évaluation de la plaie est une activité réservée aux médecins et aux infirmières).
  • Une fois la lésion refermée, privilégier des manœuvres douces et peu profondes dans la zone opérée. Il va sans dire que toute manœuvre appliquant une trop forte pression sur la plaie (ex. : longs effleurages, frictions, foulages, pétrissages, etc.) peut provoquer sa réouverture et une rupture du processus de cicatrisation. Au contraire, des manœuvres douces ayant pour objectif de stimuler localement les circulations sanguine et lymphatique sont à privilégier, autant sur la cicatrice qu’à ses pourtours. Ces gestes favoriseront l’arrivée des cellules impliquées dans la cicatrisation, de même que l’élimination des déchets au site d’opération.
  • En présence d’inflammation, opter pour un toucher très léger en périphérie. Pour ce faire, cibler des techniques de drainage lymphatique ou encore des manœuvres douces telles que des vibrations et des effleurages légers visant la peau seulement.
  • Dans le cas d’une chirurgie orthopédique, éviter les mobilisations et les mouvements passifs dans la zone opérée. Pour ce type de chirurgie, valider les recommandations transmises au client par le médecin, notamment en ce qui concerne les mouvements permis et ceux à éviter. Ces recommandations guideront le massothérapeute dans son intervention.
  • Surveiller le positionnement de la personne pendant le soin afin de prévenir l’inconfort et la douleur. Lorsque le client n’est pas bien installé, son attention n’est plus dans le mieux-être que les mains du massothérapeute peuvent apporter. Au besoin, utiliser des coussins pour ajuster la position de l’individu.
  • Pendant le soin, assurer une communication constante avec le client. Il est primordial que la personne opérée fournisse une rétroaction régulière au massothérapeute afin d’éviter l’apparition de douleur et d’inconfort, ce qui pourrait nuire à sa récupération. À cet effet, le massothérapeute doit considérer la prise d’antidouleurs et d’anti-inflammatoires, car ces médicaments peuvent modifier la perception du toucher pendant le soin.

Les adhérences : une complication fréquente de l’intervention chirurgicale

Les cicatrices constituent la finalité normale de la guérison d’une plaie. Mais dans le processus même de cicatrisation, la peau a tendance à se fixer aux muscles et aux autres tissus internes et former ce que l’on appelle des adhérences. Ces bandes fibreuses peuvent se retrouver tout le long de la cicatrice, que ce soit directement sous la peau ou entre les structures sous-jacentes.

Les adhérences découlant d’une plaie chirurgicale sont fréquentes. Dans le cas d’une opération abdominale par exemple, elles apparaissent chez environ neuf personnes sur dix[3]. Généralement asymptomatiques, les adhérences sont parfois à l’origine de complications postopératoires telles que de la douleur chronique ou une diminution de l’amplitude de mouvement.

Le massage est utile pour limiter la formation des adhérences et en améliorer l’apparence. En l’absence de contre-indications locales, une cicatrice peut être massée lorsqu’elle est guérie et complètement refermée, soit environ trois à quatre semaines après l’opération. L’objectif est ici de réduire les adhérences présentes, de rendre la peau plus souple et de diminuer la douleur et l’inconfort.

Pour être en mesure d’observer les effets du toucher sur les adhérences, les médecins recommandent de masser la cicatrice une à deux fois par jour, à raison de cinq à dix minutes chaque fois[4]. En plus d’intervenir sur les adhérences, le massothérapeute peut enseigner à son client différentes manœuvres visant à assouplir la peau.

En terminant, il faut savoir que toutes les approches et techniques en massothérapie sont indiquées en contexte de soins pré et postopératoires. Il s’agit seulement d’adapter le massage au type d’opération, à l’état de santé et aux besoins du client afin d’optimiser sa guérison. Le massothérapeute gagnera à poursuivre sa formation dans le but d’acquérir des outils complémentaires aux techniques de base déjà maîtrisées. Plus son coffre à outils sera varié, plus il sera en mesure d’intervenir efficacement et de manière sécuritaire auprès de son client.

Quelques outils utiles au massothérapeute en contexte de soins pré et postopératoires

  • Techniques de massage énergétiques : permettent de travailler à distance de la plaie en favorisant les circulations sanguine et lymphatique.
  • Techniques de drainage lymphatique : aident à diminuer l’inflammation, en permettant notamment l’écoulement de la lymphe.
  • Formation continue en massage du tissu cicatriciel : permet l’acquisition de différentes techniques utiles pour réduire l’inflammation et amener une plus grande souplesse de la peau.
  • L’approche Trager® : le pianotage est particulièrement intéressant pour assouplir la peau en présence d’adhérences.

Rédaction Katia Vermette

Références
[1] Le Code des professions autorise également les physiothérapeutes et les ergothérapeutes à « prodiguer des traitements reliés aux plaies ».
[2] LégisQuébec. (1er octobre 2017). Code des professions C-26. Repéré à http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cs/C-26
[3] Robertson, D. et Lefebvre, G. (2010). Prévention des adhérences en chirurgie gynécologique. Journal d’obstétrique et gynécologie du Canada, 243:603-608. DOI 10.1016/S1701-2163(16)34531-5
[4] Centre hospitalier de l’Université de Montréal — CHUM. (2015). Prendre soin de mes cicatrices par le massage [PDF].

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