
« Prenez un moment pour vous déposer, observez votre respiration » : une invite que votre massothérapeute vous adresse en début de séance. Pourquoi une telle invitation? Parce qu’elle jette les bases du soin, notamment en créant une connexion entre le corps, l’esprit et le souffle — un trio essentiel à votre mieux-être. Au-delà de cette entrée en matière, qu’est-ce qu’une respiration optimale et quelles sont les techniques de massothérapie favorables à cette respiration?
La respiration pour commencer le soin
L’invitation de votre massothérapeute vous aide à changer de rythme. En quelques instants, vous pouvez ainsi passer du mode faire au mode être. En effet, ce recentrage favorise à la fois un ancrage dans l’instant présent, une diminution de l’activité mentale et une ouverture à recevoir le soin.
En outre, pour le ou la massothérapeute, votre souffle constitue une source d’information précieuse. Observer votre respiration lui donne en effet des indices sur votre niveau de stress, de tension musculaire ou même d’inconfort. Un souffle saccadé ou bloqué peut signaler une zone à aborder avec douceur. À l’inverse, un souffle ample et détendu témoigne d’un relâchement profond.
Une respiration optimale pour des bienfaits optimaux
Nous respirons environ 22 000 fois par jour, mais pas toujours efficacement. Une respiration optimale est nasale, lente, régulière et profonde, c’est-à-dire qu’elle permet l’expansion de l’abdomen, du diaphragme et de la cage thoracique. Elle mobilise tout l’appareil respiratoire et favorise l’oxygénation complète du corps. Elle active le système nerveux parasympathique, celui qui induit le calme, la digestion, la régénération. Une respiration ample et consciente soutient toutes les fonctions physiologiques : elle améliore la circulation sanguine, soutient le système lymphatique, facilite la concentration et contribue à un meilleur équilibre émotionnel. Une méta-analyse publiée en 2023 et regroupant 12 études pour un total de 785 participants visait à évaluer l’efficacité du travail respiratoire : ce dernier a été associé à des niveaux de stress autodéclarés inférieurs à ceux des participants-témoins [1].
La respiration optimale contraste avec la respiration restreinte, souvent haute et rapide, qui ne mobilise que le haut de la poitrine. Celle-ci s’observe fréquemment en situation de stress, de douleur ou de posture déséquilibrée. Une respiration inefficace peut avoir de nombreuses répercussions : des tensions chroniques dans le cou, les épaules ou le dos, une fatigue persistante, des troubles digestifs, une agitation mentale, une mauvaise posture, des difficultés à récupérer après un effort ou à trouver un sommeil réparateur.
Lors d’un massage, porter attention à son souffle favorise une détente plus profonde. Cela aide à relâcher les résistances, à accueillir les sensations, à mieux ressentir son corps. La respiration consciente agit comme un pont entre le corps et l’esprit. Elle permet de se déposer pleinement sur la table de massage, d’évacuer les tensions au fur et à mesure du soin et d’accompagner la pression du ou de la massothérapeute par des expirations libératrices.
Des techniques de massothérapie favorables à la respiration
La plupart des approches et techniques en massothérapie sont indiquées pour améliorer la qualité respiratoire, parmi lesquelles figurent :
- Le massage suédois, par ses mouvements enveloppants et ses manœuvres de dégagement musculaire.
- La fasciathérapie, qui agit en douceur sur les tissus conjonctifs en lien avec le diaphragme.
- Le relâchement myofascial, qui cible les muscles intercostaux.
- Le drainage lymphatique, qui améliore la fluidité corporelle et favorise une respiration plus légère.
- Le massage des tissus profonds (deep tissue), qui améliore l’expansion thoracique tout en augmentant la saturation en oxygène, tel que documenté dans une étude pilote non randomisée menée sur des participants en santé et publiée en 2023 [2].
- Le massage thaïlandais et le shiatsu, qui guident la personne qui reçoit le soin dans son entrée en contact avec sa respiration. Cela permet de créer plus d’espace dans le corps, d’engager une meilleure circulation de la vitalité et de combiner cette respiration consciente à certaines mobilisations.
Lors de l’utilisation de ces techniques, le ou la massothérapeute accompagne parfois votre respiration, en appliquant une pression sur l’expiration, puis en relâchant à l’inspiration. Cette synchronisation intensifie l’effet du soin.
Plusieurs régions du corps influencent la respiration. En les travaillant avec précision, votre massothérapeute peut grandement vous aider à mieux respirer :
- Le diaphragme, principal muscle respiratoire, souvent crispé chez les personnes anxieuses. Une étude parue en 2024, menée auprès de 104 participants, a démontré, seulement chez le groupe expérimental, une augmentation significative de la valeur moyenne du débit expiratoire de pointe après une seule séance de thérapie manuelle [3].
- Les muscles intercostaux, qui peuvent être tendus ou figés.
- Les muscles accessoires de la respiration (scalènes, sternocléidomastoïdien, pectoraux).
- Les abdominaux, qui participent à l’expiration active.
- Les dorsaux et les érecteurs du rachis, en lien avec la posture et l’ouverture thoracique.
Un travail ciblé dans ces régions favorise une respiration plus fluide, moins restreinte. Il améliore également la posture générale et la sensation d’espace intérieur.
La massothérapie se veut une approche complémentaire qui s’inscrit dans la gestion globale de prévention en matière de santé et de bien-être. Pour être efficaces et sécuritaires, les soins de massothérapie doivent être adaptés à votre condition et à vos besoins, et être prodigués par un massothérapeute compétent et bien formé. Pour un massage de qualité, choisissez un massothérapeute agréé ou une massothérapeute agréée.
Le souffle du massothérapeute : un outil de régulation
Pour les massothérapeutes, la respiration est un levier d’ancrage professionnel. Respirer consciemment tout en prodiguant un soin permet de cultiver la présence, la concentration et l’ajustement à la personne massée.
Une respiration calme et profonde aide ainsi votre massothérapeute à :
- garder un rythme de travail fluide,
- économiser son énergie,
- éviter les tensions physiques ou posturales,
- ajuster l’intention du toucher.
Elle favorise aussi la corégulation avec la personne massée. Une respiration lente chez votre massothérapeute peut entraîner un ralentissement de la vôtre, simplement par effet miroir.
Mieux respirer… au-delà du soin
Un bon soin de massothérapie vous laisse une empreinte durable qui s’accompagne souvent d’un souffle plus ample, plus libre. Ce n’est pas un hasard. Le travail corporel facilite cette reconnexion au souffle, à soi.
Pour prolonger les bienfaits du soin, votre massothérapeute peut vous proposer certaines pratiques simples à faire chez vous :
- Des exercices de respiration diaphragmatique, qui inhibent l’activité du système nerveux sympathique, activent le système nerveux parasympathique, favorisent la détente, réduisent les risques d’hyperventilation, le stress physiologique et psychologique [4].
- La cohérence cardiaque (respiration rythmée sur 5 secondes d’inspiration, 5 secondes d’expiration) au cours de laquelle les systèmes respiratoire, cardiaque et nerveux entrent dans un état de cohérence et donc d’efficacité optimale [5]. À noter qu’il existe des applications gratuites qui peuvent guider cette pratique.
- Des postures d’ouverture comme celles du yoga (savasana, ouverture du cœur, torsions douces).
À l’attention des massothérapeutes
L’institut de formation en massothérapie du Québec (IFMQ) propose régulièrement une formation de 15 h intitulée Dégagement de la cage thoracique et de la respiration. Cette formation, offerte quelques fois par année, vise à présenter des techniques de massage et des exercices de prise de conscience permettant de s’assurer que le diaphragme et la cage thoracique bougent dans leur pleine amplitude de mouvement.
En conclusion
En massothérapie, la respiration n’est pas un simple phénomène physiologique. C’est un indicateur, un guide et un allié. Elle amorce la rencontre, soutient le relâchement, accompagne le soin et en prolonge les effets. Elle est à la fois le prélude et le résultat d’un moment de présence à soi, facilité par le toucher attentif.
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Références
[1] Fincham, G. W., Strauss, C., Montero-Marin, J., et Cavanagh, K. (2023). Effect of breathwork on stress and mental health: A meta-analysis of randomised-controlled trials. Scientific Reports, 13(1), 432. https://doi.org/10.1038/s41598-022-27247-y
[2] Trybulec, B., Macul, B., Kościńska, K., Nawrot-Porąbka, K., Barłowska, M., et Jagielski, P. (2023). The effect of deep tissue massage on respiratory parameters in healthy subjects: A non-randomised pilot study. Heliyon, 9(4). https://doi.org/10.1016/j.heliyon.2023.e15242
[3] Küçük, E., Tozcu, D., Topaktaş, B., et Coşkun, G. (2024). Immediate effects of manual therapy on respiratory functions in healthy young individuals: a randomized controlled trial. Scientific Reports, 14(1), 17419. https://doi.org/10.1038/s41598-024-68654-7
[4] Goutama, E., et Widjanantie, S. C. (2023). The Effect of Diaphragm Breathing Exercises on Physiological and Psychological Stress. Indonesian Journal of Physical Medicine and Rehabilitation, 12(02), 197–205. https://doi.org/10.36803/indojpmr.v12i02.344
[5] Nestor, J. (2021). Respirer : le pouvoir extraordinaire de la respiration. Solar. [Synthèse] : http://www.casaeuropea.net/files/Respirer-James-Nestor.pdf
Rédaction : Catherine Houtekier, M.B.S.I., rédactrice agréée et réviseure