Fédération québécoise des massothérapeutes (FQM)

Les douleurs lombaires et fessières

Lombalgies Dossiers

Les douleurs lombaires et fessières

Vol. 28 numéro 4

Date de parution : 27-02-2012

Auteur : Michèle Guérin

Michèle Guérin est massothérapeute agréée et andragogue spécialisée en relation d’aide éducative auprès d’une clientèle aux prises avec des douleurs chroniques.


 

Les douleurs lombaires peuvent trouver leur source dans les muscles ou encore dans la mécanique vertébrale (spondylogénique) : entrent alors en jeu différentes structures de l’unité intervertébrale : facettes articulaires, ligament postérieur, disque, etc. Elles peuvent être de nature inflammatoire (rhumatologique), mais aussi tumorale ou viscérale, ce dont les massothérapeutes doivent être conscients. A titre d’exemple, raconte le Dr Vadeboncoeur : des hommes d’un certain âge – la cinquantaine ou plus – souffrant, même la nuit, d’une douleur lombaire avec irradiation à la cuisse gauche. Le patient peut toutefois marcher. Malgré les apparences, il ne s’agit pas toujours d’une lombalgie d’origine mécanique : la douleur, viscérale, cette fois, pourrait signer un anévrisme aortique, dont la rupture peut être fatale. Il est recommandé de consulter rapidement un médecin pour diagnostic ou même diriger la personne vers des soins hospitaliers d’urgence. Cf. : Tableau 1- Signaux d’alarme et indices de gravité d’une lombalgie.

Nous abordons ici les douleurs d’origines musculaire et mécanique, ce qui n’exclut pas que puissent coexister ou même y contribuer des problèmes psychosociaux : situations et événements stressants de la vie qui peuvent s’être produits sur plusieurs mois auparavant, sentiments dépressifs, etc. Les portraits cliniques décrits ne sont que des pistes de travail. Plusieurs facteurs peuvent modifier ou moduler ces tableaux : différences individuelles, habitudes de vie et de travail, croyances et attentes du soigné, tensions psycho-émotionnelles.

 

Apparition et évolution des lombalgies

La douleur apparaît spontanément ou à la suite d’un traumatisme. Elle peut se décliner en phase aiguë, (parfois aussi subaiguë) et chronique, classification fondée uniquement sur la durée et non sur l’intensité des symptômes. La douleur serait dite aiguë jusqu’à 5 à 7 semaines, subaiguë de 7 à 12 semaines ; au-delà, on parle de douleur chronique. Celle-ci se manifeste surtout par des épisodes plus intenses entre des périodes d’accalmie ou sur un fond de faible douleur. « Dans l’évolution de la lombalgie, souligne le médecin physiatre Yves Bergeron, la récidive est plus fréquente que la guérison.»[1]

 

En avoir plein le dos ?

Le risque de chronicité dépend des symptômes, de la douleur dans les membres inférieurs et de l’invalidité correspondante. Certains facteurs psychosociaux contribuent aussi au maintien de la douleur. Entendons-nous : le type de personnalité, les peurs, les (fausses) croyances, l’insatisfaction au travail ne causent pas la lombalgie. Ces attitudes et ces comportements face à la douleur peuvent toutefois l’entretenir et favoriser le passage à la chronicité et à l’invalidité.

 

Signaux d’alarme et indices de gravité d’une lombalgie

ATTENTION !

Bien que la majorité des lombalgies ait une origine mécanique, de 1 à 3% proviendraient de souffrances viscérales ou tumorales. S’il y a un ou plusieurs des symptômes suivants, recommander une consultation médicale à court terme et attendre le diagnostic pour masser, insiste notre collègue Marie Bernard.[i]

  • Apparition spontanée, progressive ou brutale de la douleur (sans événement déclencheur identifiable).
  • Douleur nocturne (à distinguer de la douleur du petit matin)
  • si l’intensité est équivalente ou supérieure à la douleur diurne, si elle est constante, progressive, non mécanique, non modifiée par le repos.
  • Absence de variations dans la douleur au cours de la journée, par les mouvements, les activités de la vie quotidienne ou les diverses thérapeutiques.[ii]
  • Douleur lombaire unilatérale, bilatérale, intense, discrète ou absente, avec:

            – Faiblesse ou insensibilité d’une ou des deux jambes;

            – Apparition récente de douleur périanale, de paresthésies périanales ou génitales, d’impotence;

            – Difficulté à initier la miction ou, au contraire, incontinence urinaire.

 

Poser un diagnostic médical ne relève pas de nos compétences.

Cependant, le questionnaire-santé est essentiel pour déterminer les contre-indications, précautions et plan de traitement ; il portera non seulement sur le site de la douleur mais sur son mode et son moment d’apparition.

 

Lombalgies musculaires : les syndromes myofasciaux lombaires et fessiers

Selon les chercheurs américains Travell et Simons, presque tous les muscles striés peuvent être à l’origine de douleurs, locorégionales ou référées. Ces derniers peuvent être le siège de zones myofasciales (i.e. de tissus infiltrés et de « bandes » musculaires indurées) pouvant contenir un point gâchette. Les causes de ces réactions tissulaires sont multiples, mais elles sont souvent liées à des postures contraignantes. L’activation des points gâchettes, qu’elle soit spontanée ou déclenchée lors de la palpation, provoque une douleur locale et/ou à distance selon un modèle attendu. Ainsi, un point gâchette dans le petit dentelé créera une douleur plus localisée autour dudit point. Par contre, d’autres points situés aux environs de la jonction dorso-lombaire (D10 à L1) pourront irradier en haut et en bas du point et même jusque dans la fesse (ilio-costal et long dorsal). Il peut arriver que l’activation d’un point gâchette dans le droit abdominal provoque une douleur lombaire « en barre ».

Parmi les muscles lombaires et fessiers fréquemment touchés notons: le petit dentelé, le long dorsal, l’ilio-costal, le carré des lombes, le psoas, les multifides lombaires, les petit, moyen et grand fessiers, le piriforme.

 

Syndrome myofascial douloureux du carré des lombes 

Le carré des lombes présente quatre points gâchettes: deux profonds, situés plus près du rachis et donnant une douleur irradiée autour de l’articulation sacro-iliaque et à la fesse ; deux superficiels, situés plus à l’extérieur, irradiant à la crête supérieure externe de la hanche et dans la région du grand trochanter. La douleur se manifeste à la marche ou en position assise prolongée[iii]. Toutefois, cette douleur en position assise peut aussi signaler une hernie discale. Une tension extrême du carré des lombes crée une inégalité des membres inférieurs et une scoliose fonctionnelle. Le retour du muscle à sa longueur normale élimine ces symptômes. Toutefois, dans certains cas, une disparité véritable peut alors apparaître. En association avec celui du carré des lombes, on retrouve fréquemment le syndrome du petit fessier avec douleur à la fesse irradiant au membre inférieur.

 

Les lombalgies spondylogéniques mécaniques

Plusieurs structures de l’unité intervertébrale peuvent être sources de douleur :

  • la facette articulaire (articulation zygapophysaire),
  • le ligament postérieur ;
  • le disque intervertébral, la racine nerveuse.

 

Les lombalgies d’origine vertébrale (spondylogénique) peuvent être dues à une discopathie (dégénérescence ou lésion du disque intervertébral), à un syndrome facettaire, à l’irritation d’un ligament; à l’irritation, la compression ou l’inflammation des branches d’un nerf rachidien, causée par l’un ou l’autre des éléments précédents.

 

Douleur : La douleur entraîne une contracture de vigilance, palpable dans les muscles paravertébraux. Elle limite le mouvement dans la direction douloureuse. Chaque mouvement ou position qui sollicite le segment douloureux entretient cette contracture. Certaines manœuvres manuelles exercées sur cette contracture (pression, étirement) peuvent la faire céder.[iv]

Dans les cas de douleurs vertébrales chroniques, cellulalgie, cordon myalgique, douleur à l’insertion des tendons existent, même en dehors des épisodes douloureux. Ils peuvent être muets ou bien tolérés. Mais ils peuvent être réveillés ou exacerbés par des efforts, une mauvaise posture, le froid, l’humidité, un courant d’air, la fatigue, le stress, un état dépressif, etc.

 

Lombalgie d’origine vertébrale haute (syndrome de la jonction dorso-lombaire ou de Maigne)

Selon le physiatre français Robert Maigne, dans un cas de lombalgie sur deux, la douleur ne provient pas des structures lombaires basses, mais de segments vertébraux situés plus haut (jonction dorso-lombaire D11-D12-L1). Nous vous avons déjà présenté ce « très important syndrome », de dire le Dr Vadeboncoeur, dans Les maux de dos féminins (Le Massager Nov. 2011), bien qu’il existe aussi chez les hommes.

 

La douleur référée unilatérale, peut se manifester par :

  • une zone cellulalgique sise à la partie supérieure de la fesse,
  • un point douloureux à la partie interne (origine L1) de la crête iliaque (point de crête),
  • une tendinose au grand trochanter,
  • des douleurs pseudo-viscérales mimant des douleurs gynécologique ou urologiques.

 

Facteurs déclenchants: efforts de soulèvement postures prolongées statiques ; vibrations communiquées à la colonne vertébrale: outils, conduite de camion, de tracteur, de motoneige, équitation, etc.

 

Douleur : discopathie : douleur lombaire basse, centrale ou « en barre » ; flexion antérieure douloureuse.

 

Lorsqu’il y a syndrome facettaire: extension douloureuse ; douleur locale sévère; douleur référée: modérée aux parties proximales; légère aux parties distales et surtout diffuse, caractéristiques qui la distinguent d’une névralgie sciatique ou crurale.

 

États tissulaires : sensibilité de l’articulation vertébrale concernée ; oedème localisé à la région lombo-sacré (parfois) ; cordons musculaires et /ou contractures dans les muscles paravertébraux, fessiers, carrés des lombes.

 

Le lumbago aigu (entorse lombaire ou lombalgie aiguë)

Le lumbago aigu n’est pas purement musculaire : le spasme réflexe de la musculature dorsale peut s’accompagner ou non d’un blocage vertébral et il peut y avoir un problème mécanique sous-jacent: conflit discal, arthrose, etc.

L’affection toucherait un jour ou l’autre 60 à 70 % de la population. Les expressions lumbago aigu, lombalgie aiguë, entorse lombaire désignent surtout un syndrome sans déficit neurologique, survenant à la suite d’un traumatisme ou d’un faux mouvement relativement récent (moins de deux mois)[v],[vi]. Parmi les facteurs déclenchants ou favorisants notons les mouvements de flexion / rotation du tronc, avec ou sans contrainte supplémentaire (p. ex.: manipulation d’objets lourds); la force appliquée brusquement et de façon inattendue (p. ex.: pour s’empêcher de tomber) ; la fatigue musculaire, le manque de vigilance (p. ex.: après un effort prolongé; au réveil, etc.) ; la dégénérescence ou l’affaiblissement des muscles et des ligaments (maladie, vieillissement, etc.).

 

Évolution : Résolution spontanée (avec ou sans traitement): 50 % après une semaine; 75 % à l’intérieur de deux semaines, mais 7 % évoluent vers la chronicité. Une colonne affaiblie et surtout la présence d’une hernie discale à la source de la douleur rend la résolution d’autant plus difficile.

 

Douleur[vii],[viii],[ix] : Douleur aiguë de la région lombaire et parfois sacrée, le plus souvent unilatérale; avec irradiation possible à la fesse et à la cuisse par mécanisme réflexe, mais sans sciatalgie. La douleur peut survenir spontanément (la personne « barre ») ou se déclarer après quelques heures ou quelques jours, par réaction inflammatoire.

La douleur peut être aggravée par la toux, l’éternuement, la défécation, la position assise et le mouvement de la colonne vertébrale : dans ce cas, il faut adresser la personne à son médecin, car il peut y avoir atteinte du disque intervertébral.

 

Etats tissulaires[x],[xi] On trouve : une contracture réflexe de la musculature, une attitude antalgique et parfois blocage vertébral (dos barré); une tension extrême et douloureuse des muscles dorsaux, lombaires et fessiers, sans ou avec zones myofasciales et points gâchettes (PG). Les plus touchés: petit dentelé, ilio-costal, longissimus du dos, transversaire épineux (multifide), piriforme (pyramidal). Dans le lumbago chronique: spasme permanent du carré des lombes.

 

Traitement général du lumbago

Phase aiguë: Pas de massage immédiat (jusqu’à 24 et même 72 heures). Médecin ou pharmacien pourront recommander la prise d’analgésiques et de relaxants musculaires selon les cas.

 

Recommandations: Le repos au lit n’est plus recommandé : il augmenterait au contraire les symptômes et prolongerait la durée de la lombalgie. Modalité d’auto-traitement à la maison dans les 3 premiers jours: application de froid (glace ou compresse): 20 minutes, 3 à 4 fois par jour, selon le soulagement. Certaines personnes réagissent mieux à la chaleur appliquée sur les muscles. Éviter les articulations et privilégier une chaleur décroissante, de façon à minimiser les risques d’inflammation.

 

Phase subaiguë (s’il y a lieu): Modalité d’auto-traitement à la maison: application de chaleur (selon le soulagement: bains chauds, massages à la douche chaude et/ou compresses) pour apaiser le système nerveux et diminuer les spasmes musculaires. La chaleur humide décroissante (sacs de grains) est préférable au coussin électrique.

 

La hernie discale

Ce qu’il importe d’abord de savoir c’est que certains signes peuvent nous faire soupçonner une hernie discale : impossibilité de garder une position assise car trop douloureuse ; posture antalgique en porte-à-faux ou en baïonnette. En présence de telles observations, il faut demander un diagnostic médical. Les attitudes en baïonnette, en porte-à-faux (ou en cyphose) s’observent surtout lors de la phase aiguë d’une hernie discale. Elles s’atténuent en cours d’évolution et sont la plupart du temps absentes en phase chronique. Une hernie latérale produit une déviation antalgique du côté opposé (controlatérale) ; une hernie médiane, située à l’aisselle de la racine nerveuse au sortir du rachis produit une déviation antalgique du même côté (homolatérale). Dans les scolioses antalgiques, les modifications tissulaires touchant la peau, les fascias ou les muscles dominent du côté de la concavité.[xii]

 

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Références pour la rédaction de cet article:

 

[i] Bernard M., Dubreuil B., Duque Cordoba G.P., Durand N. et Lucas, A. : De l’accueil au massage. Table ronde sur la douleur in Dossier La douleur un phénomène complexe 2. Le Massager 27-3. Nov. 2010

[ii] Bergeron Y. et al. : Ch. 9 Rachis lombaire, sacrum et coccyx. Op. cit. p.386

[iii] Besemann M., Vadeboncoeur R et Duranleau D. : Lésions musculaires et syndromes douloureux myofasciauxIn Bergeron, Fortin, Leclaire Pathologie médicale de l’appareil locomoteur ch. 23 Maloine Paris et Edisem St-Hyacinthe 2008

[iv] Maigne R. et Maigne J.-Y.: Dérangement intervertébral mineur (DIM) in Dupuis-Leclaire Pathologie médicale de l’appareil locomoteur Maloine Paris et Edisem St-Hyacinthe. 1988 ch. 6

[v] Bachand, André: Les pathologies musculo-squelettiques et la massothérapie. Notes de cours, 1995

[vi] Bergeron Y.: Rachis lombaire in Dupuis-Leclaire, Pathologie médicale de l’appareil locomoteur. Edisem St-Hyacinthe et Maloine, s.a. Paris. 1986

[vii] Bellicha G. et P.: Dictionnaire médical Bordas. Éd. Bordas, Paris 1987

[viii] Dicke, E., Schliack H. et Wolff A.: Thérapie manuelle des zones réflexes du tissu conjonctif. Maloine, s.a. Paris, 1986

[ix] Dupuis, Michel: Ce sacré mal de dos, op. cit.

[x] Dicke E. et al.: op. cit.

[xi] Travell J. et Simons D.G.: Myofascial Pain and Dysfunction. The Trigger Point Manual. Williams and Wilkins, Baltimore.

[xii] Bergeron Y. et al. Pathologie médicale de l’appareil locomoteur, 2e édition. Ch. 9 Rachis lombaire, sacrum et coccyx.p.391 EDISEM St-Hyacinthe et Maloine s.a. Paris 2008

[xiii] Furlan A, Brosseau L,Imamura M, Irvin E : Massage for lowback pain in a systematic review within the framework of the Cochrane collaboration back review group. Spine 2002;27:1896-1910 In Castonguay op. cit.

 

Nous remercions le Dr Roger Vadeboncoeur, médecin physiatre, qui a su rendre plus simples et accessibles aux massothérapeutes des pathologies plus complexes qu’il n’y paraît, qui se chevauchent parfois et dont les appellations ne font pas toujours l’unanimité. Les imprécisions qui pourraient se trouver dans le texte ne sauraient lui être attribuées ; elles sont du seul fait de l’auteure.