Fédération québécoise des massothérapeutes (FQM)

Mon expérience du Trager

Dossiers, Techniques, Parcours professionnel

Par Michel Lorrain, MD, Massothérapeute

Mon intérêt pour la douleur chronique m’a poussé à chercher dans différentes techniques de massage des manœuvres efficaces dans le traitement de ses composantes. De fil en aiguille, je suis allé suivre une formation d’une fin de semaine en Trager avec Denis Lafontaine à l’institut Kiné Concept. Je n’avais pas d’attente particulière. J’avais hâte de vivre l’expérience et d’en évaluer sa portée du point de vue physiologique. Je voudrais vous partager les expériences que j’ai vécues : l’une sur l’apprentissage de manœuvres, une autre à titre de cobaye et la dernière quant à la place du Trager dans certaines maladies chroniques, dont le Parkinson.

J’ai appris dans le Trager, qu’on ne manipule pas les tissus, on les touche avec douceur. Les mouvements sont simples : quelques ébranlements, des ballotements, des balancements, des vibrations, des mouvements variés et quelques étirements. Aucun travail musculaire, on invite les muscles à se détendre. Chaque tension limite la capacité de mouvement. On ne fait pas de massage; on transmet un message de légèreté. Le Trager s’adresse au corps et à l’esprit. Il s’apparente à un toucher relationnel. Le corps a besoin de contacts. C’est essentiellement un toucher de communication. Le Trager atteint tout le corps à travers les résonances qu’il induit et qui se propagent partout. Il trouve des assises en neurophysiologie et en neuroplasticité du cerveau. J’ai aussi découvert les mentastiques, des mouvements sans effort qui donnent des sensations de bien-être lorsque des tensions musculaires se manifestent. On devrait en recommander à tout client entre deux séances de massage. Ils permettent de dissoudre certains blocages qui dévorent la vitalité.

Je souffre d’une spondylite ankylosante depuis mon adolescence. Il s’agit d’une maladie auto-immune qui consiste essentiellement à faire la guerre à mes propres tissus. À toute fin pratique, mon système immunitaire s’attaque à mes ligaments intervertébraux avec comme conséquence l’installation progressive d’une rigidité au niveau de la colonne. Mes vertèbres sont plus ou moins soudées les unes aux autres. D’un point de vue pratique, j’ai souffert de douleurs chroniques associées à des limitations fonctionnelles importantes et de peu de mobilité dans la colonne. Actuellement, ma maladie est refroidie. Il n’y a plus de réaction inflammatoire.

Au moment où ma conjointe, également massothérapeute, s’apprête à me faire des manœuvres sur la partie antérieure du corps, je vois Denis s’approcher de moi et noter que ma tête ne touche pas la table. Ma rigidité l’intéresse : il m’invite à lui servir de cobaye pour la démonstration des manœuvres. Je me prête volontiers à son approche; il m’inspire confiance. Je le sens manipuler ma tête avec douceur. Il en sous-pèse le poids avec ses mains. Par la suite, il la ballote d’un côté à l’autre pour en estimer sa mobilité. Aucun inconfort jusque-là. Ensuite, il s’active sur mes membres supérieurs et mes membres inférieurs. Il procède à des manœuvres que je qualifierais de ballotement, d’ébranlement et de vibrations. Tout se fait en douceur. Pas de stimulation mécanique désagréable ni de traction quelconque. Il respecte l’espace ressort des articulations. Je me sens bien. J’ai l’impression qu’il n’a pas fait grand-chose si je me réfère aux interventions que j’ai déjà eues en massothérapie. Lors des différentes manœuvres, je sens que tout mon corps bouge; ce qui est nouveau pour moi. Des mouvements ondulatoires traversent mon corps des pieds à la tête. Étrangement, je me sens de mieux en mieux au niveau du cou même si Denis s’est contenté à quelques reprises d’estimer le poids de ma tête et l’amplitude articulaire de ma colonne cervicale. Je bouge ma tête plus facilement.

Il n’y a pas eu de miracle, que s’est-il passé alors? J’ai trouvé quelques réponses en neurophysiologie et en neuroplasticité. Mon système nerveux a toujours veillé au grain. Il me surprotège depuis l’apparition de ma maladie. Il réagit à toute stimulation mécanique ou chimique nociceptive. Il répond à ces stimulations par toutes sortes de réponses à la douleur. Parfois, il a des comportements inadaptés. Il a emmuré ma colonne dans un carcan de tensions musculaires douloureuses et non douloureuses limitant sa mobilité de façon à la protéger, je crois, de nouvelles stimulations nociceptives. De là, une rigidité surajoutée à la fusion progressive des vertèbres.

Étant donné qu’il n’y a pas eu de stimulations mécaniques nociceptives durant les traitements, mon système nerveux s’est contenté d’enregistrer les sensations provenant des récepteurs mécaniques non nociceptifs. Douceur, sensations agréables, relâchement des tensions avec comme résultat, plus de souplesse dans le cou qui est actuellement, je dois le souligner, l’endroit le plus vulnérable de mon corps.

Ce qui est étrange, c’est qu’au moment où tout mon corps bougeait lors des manœuvres aux membres supérieurs et aux membres inférieurs, je sentais un mouvement ondulatoire dans toute ma colonne; je sentais également ma tête bouger. Et mon système nerveux central (SNC) n’a pas réagi : pas d’inconfort, pas de réaction de retrait; pas de résistance de sa part. J’imagine qu’il y a eu, secondairement à ces manœuvres, relâchement des tensions musculaires au cou avec une plus grande souplesse. Bref, je me suis senti très bien. Les résultats ont duré plusieurs jours.

On ne peut rien faire contre ma maladie. Je crois cependant que le relâchement des tensions musculaires inutiles peut me donner un peu plus de souplesse et me rendre la vie plus agréable. Peut-être mon cerveau a-t-il réalisé qu’il n’y a pas seulement des stimulations négatives qui proviennent du cou, mais aussi des sensations agréables. En tout cas, le Trager agit sur la rigidité qui est l’une des composantes de la douleur chronique. Dossier à suivre…

Soucieux d’en savoir davantage, j’ai eu l’insigne honneur d’assister à des traitements de Trager chez des personnes atteintes de la maladie de Parkinson. J’ai noté que certaines personnes essayaient de maîtriser leurs tremblements. Des crispations s’ensuivaient avec des limitations fonctionnelles plus importantes. Après quelques manœuvres de Trager, j’ai pu noter un relâchement musculaire avec diminution de la rigidité et meilleure mobilité.

Ces expériences m’ont permis de réaliser que le Trager a sa place dans le traitement complémentaire de plusieurs affections. C’est un outil de plus dans les approches par le toucher.

 Michel Lorrain, MD, Massothérapeute