Fédération québécoise des massothérapeutes (FQM)

Les lombalgies – volet 2

Dossiers
Vol. 29 numéro 1
Date de parution : 01-05-2012
Auteur : Jean Lalonde *

 

L’équilibre fonctionnel pour soulager les douleurs lombaires

L’objectif de l’intervention est de guider le corps à trouver lui-même une solution harmonieuse et non douloureuse, en appliquant les principes de la technique O.B.E.C. (Organisation, Biomécanique, Économique, Confortable). Nous suggérons par nos manœuvres, nous percevons les réactions et nous nous ajustons s’il y a lieu.

J’ai préparé ce document dans le seul but de partager avec vous ma méthode de travail, qui est le résultat de mon expérience et de mes connaissances. Je suis bien conscient qu’il me sera impossible de traiter un sujet aussi vaste en si peu de mot.

Mon hypothèse est que l’harmonie des structures est perturbée ce qui amène un déséquilibre de la charge de travail, des douleurs et des symptômes observables localement ou à distance. La somme de ces symptômes n’est que le résultat des efforts du corps pour trouver une solution. Nous pouvons donc les traiter dans une vue d’ensemble. Le temps jouant un rôle dans l’accroissement des symptômes, il serait préférable de traiter le plus tôt possible; si nous tardons trop à intervenir, il y aura plus de symptômes à traiter.

La douleur étant subjective, il nous faudra établir en parallèle une façon objective de l’évaluer. Cette méthode objective d’évaluation s’attardera aux structures elles-mêmes, ainsi qu’à leur positionnement réciproque. L’intervention vise l’équilibre articulaire et musculaire qui soulagera la douleur. Donc nous intervenons sur les structures et non sur la douleur.

 

Vue d’ensemble

Le bassin et les deux dernières vertèbres lombaires forment un ensemble de 11 articulations gérées par des ligaments et des muscles. La mobilité de ces articulations est plutôt qualitative que quantitative. Il se forme des torsions limitant la mobilité articulaire, causant des douleurs qui se répercutent à différents niveaux.

L’évaluation se fait en position assise sur un banc à surface rigide, pour éviter l’influence des membres inférieurs. Nous recherchons les asymétries au niveau des épines iliaques postéro-supérieure. Nous pouvons observer une aile iliaque élevée, associée à une antéflexion et une fermeture. Les tensions musculaires lombaires sont généralement observées du côté de la rotation et la douleur est ressentie à la sacro-iliaque ou à la zone ilio-lombaire du même côté.

La rotation entraînée par l’aile iliaque sollicite les ilio-costaux du côté opposé, ce qui amène une tension musculaire excentrique et de la douleur. Le fait de masser, pour détendre les ilio-costaux tendus, provoque l’accroissement de la douleur car ceux-ci sont en contraction corrective. Ils freinent la rotation.

Il est préférable dans ce cas de traiter les muscles qui ont provoqué l’antéflexion de l’aile iliaque. Si nous réussissons à éliminer la cause de la rotation, les ilio-costaux n’auront pas besoin de stabiliser la rotation et cesseront leurs contractions, ce qui amènera un positionnement articulaire plus neutre et une diminution de la douleur.

Si nous levons la tension excentrique directement, par des techniques de rapprochement ou des techniques impliquant les OTG (organe tendineux de Golgi) il est probable que la cause initiale demeurera et même prendra de la puissance par faute d’opposition à la rotation engendrée par les contractions concentriques. C’est d’ailleurs de cette façon que souvent, s’installe la chronicité, en soulageant la tension corrective sans rééduquer.

La compréhension du bassin est importante, car il influence le positionnement des fémurs, qui, à leur tour orientent le tibia et le pied. Vers le haut, le bassin oriente la base de la colonne vertébrale qui doit, à son tour, compenser pour récupérer la verticalisation de la tête. Ces compensations en rotation causent la fermeture de l’espace intercostal et désorganisent la ceinture scapulaire ainsi que les membres supérieurs.

Les douleurs à distance sont parfois des tentatives pour solutionner le problème lombaire ou en sont l’origine. Par ex. : une arche plantaire peut s’affaisser pour tenter d’horizontaliser le bassin et soulager la douleur ou, par sa faiblesse, cette arche plantaire déshorizontalise le bassin, cause une dysfonction et la douleur. Autre exemple : une douleur derrière la cuisse et le mollet peut indiquer une tentative de rétroversion du bassin ou son maintien. L’origine n’étant pas claire il est donc raisonnable de les traiter dans une compréhension d’ensemble.

 

Les lombalgies :

  1. Il y a les lombalgies musculaires sans déviations structurales, causées par l’activité occasionnelle, saisonnière ou la fatigue accumulée. Ces douleurs se traitent par le repos et un massage de détente générale sans trop d’appui aux zones douloureuses.
  1. Les lombalgies qui entraînent, en plus, des algies aux membres inférieurs, aux côtes, aux épaules ou à la tête. Ces symptômes à distance indiquent des tentatives pour fuir la douleur ou pour poursuivre l’activité. Les névralgies causées par une hernie ou un pincement arthrosique ont elles aussi provoqué des symptômes d’adaptation à distance, pour fuir la douleur, ce sont ces symptômes que nous traitons.
  1. Les lombalgies chroniques qui se sont installées dans le temps. Bien qu’elles aient pu être à l’origine un simple désordre mécanique ou une névralgie, avec le temps et les compensations antalgiques ou les compensations pour poursuivre l’activité, le tout est devenu un problème postural.

 

Les manœuvres :

Ces manœuvres ne sont que des suggestions pou libérer la zone lombaire. Le thérapeute qui les utilise doit bien en comprendre la portée.

  1. Gagner le volume de la zone ilio-costale par traction fasciale consiste à agrandir l’enveloppe du groupe musculaire ilio-costal le plus petit ou le plus rétracté, par une pression dirigée et non glissée, de l’intérieur vers l’extérieur avec la pulpe des doigts.
  1. Libérer la tension de la zone oblique interne consiste en une pression non glissée mais dirigée de l’extérieur vers l’intérieur prenant départ à l’épine iliaque antérieure allant jusqu’à la gaine des grands droits. Par la suite une pression semblable en direction de la colonne vertébrale, visant la zone du muscle psoas.
  1. Libérer la tension de la zone du dentelé inférieur, par une pression non glissée de la colonne vers l’extérieur et légèrement oblique vers le haut.
  1. Mobiliser la zone du carré des lombes en fixant les côtes avec la main de tête la main de pied soulevant le bassin par un appui des doigts sur l’épine iliaque antérieure. En demandant au client une poussée antérieure de courte duré de l’aile iliaque, suivi d’un relâcher et d’un étirement léger, on accélère le relâchement.
  1. Massage de la zone du grand dorsal par des pressions glissées, avec la main pleine, répétitives et dans toute la longueur du muscle.
  1. Mobilisation de la zone ilio-coxo-lombaire, dans un premier temps le client est en décubitus avec les genoux fléchis et le bassin en rétroversion (zone ilio- lombaire). Le thérapeute mobilise de gauche à droite le bassin sur une surface équivalente à celle du sacrum. Dans un deuxième temps la manœuvre est reproduite avec le bassin en antéversion (zone ilio-coxygiène). Dans un troisième temps un genou fléchi et talon près de la fesse, le fémur en adduction, l’autre jambe allongée, le thérapeute initie un mouvement dans l’axe du fémur de façon passive, aidée et autonome. Une fois les deux jambes faites on termine par une légère oscillation, comme faite précédemment. Cette manœuvre peut être faite de façon autonome (par le client) pour libérer les tensions lombo-sacrées.

 

L’impact physique de l’intervention (objectif)

  • De façon objective nous devrions constater une horizontalisation des épines iliaques postérieures et un volume plus égal des ilio-costaux.
  • Physiologiquement les structures ont retrouvé leurs états primaires et l’harmonie qu’elles doivent avoir entre elles dans le mouvement.
  • Le corps a cessé de se battre contre lui-même pour trouver une solution, il passe en mode récupération.

 

L’impact émotif de l’intervention (subjectif)

  • Si nous avons bien expliqué à notre client que la douleur est habituellement proportionnelle aux torsions objectives, l’observation de l’amélioration de l’harmonie et de la symétrie constatées, devrait avoir diminué sa perception de la douleur.
  • La douleur peut aussi demeurer quelques jours, associées à la guérison ou à l’apprentissage du nouveau geste.
  • Psychologiquement si le client comprend les étapes du changement il acceptera mieux la situation, ce qui favorisera la guérison et l’implication personnelle s’il y a lieu.

 

Exercices ou auto-traitement

  1. Ouverture et fermeture de l’ensemble thorax bassin sur banc dur en maintenant toujours une tension du plancher pelvien, sans tirer les épaules. Le mouvement doit partir du bassin.
  2. Même position de départ avec tension du plancher pelvien, élever de 10 cm chaque jambe alternativement, sans autre mouvement du tronc.
  3. Plusieurs autres exercices ont été développés mais dépasse le cadre de ce document.

 

Conclusions

  • Le corps s’adapte aux traitements, aux médicaments, aux chirurgies comme à l’entraînement. Le fait de lui faire choisir une solution non douloureuse tout en maintenant un certain équilibre entre les structures, lui conserve son autonomie d’ajustement.
  • Rappelez-vous qu’il vaut mieux progresser lentement dans notre intervention que d’en perdre le contrôle.
  • Écouter les réactions du corps lors de l’intervention permet une évaluation constante de la situation et donne un nouveau sens à toutes vos connaissances.

 

* Jean Lalonde est masso-kinésithérapeute agréé

Si vous avez des questions : j.lalonde4@sympatico.ca