Fédération québécoise des massothérapeutes (FQM)

Le rayonnement de la massothérapie dans les soins de santé

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QUI A DIT QU’UN MASSOTHÉRAPEUTE DEVAIT PRATIQUER À L’INTÉRIEUR D’UN HÔPITAL OU D’UNE CLINIQUE MULTIDISCIPLINAIRE POUR INTÉGRER LES SOINS DE SANTÉ? AVEC DES CONNAISSANCES, DE LA DÉTERMINATION ET DU LEADERSHIP, TOUT EST POSSIBLE ! 

Les massothérapeutes ont leur place dans le continuum de soins de santé, Anne- Marie Crépin en est convaincue. La massothérapeute agréée, qui a longtemps travaillé dans les spas avant de se spécialiser en oncologie et en drainage lymphatique manuel, a toujours pratiqué à la maison, loin des centres hospitaliers. Pourtant, elle collabore étroitement avec les professionnels de la santé de nombreux hôpitaux de sa région afin d’offrir des soins de massothérapie adaptés à une clientèle vivant avec de la douleur chronique, un cancer ou un lymphoedème. Elle a généreusement accepté de nous partager le secret de son succès.

Le Massager : Comment en êtes-vous arrivée à la massothérapie dans votre carrière ?
Anne-Marie Crépin : Je vis au Québec depuis 30 ans. J’ai été éducatrice en garderie, puis coiffeuse. À l’époque, afin de me faire connaître et bâtir ma clientèle, j’ai offert des chèques cadeaux aux employés de l’Institut Kiné-Concept. Un de mes amis y travaillait. Il a trouvé ma démarche intéressante et il a voulu me rencontrer en tant que client en coiffure. Lorsque je lui ai lavé les cheveux, il s’est endormi. Il disait que j’avais « une main qui endort » ! C’est grâce à lui si je me suis dirigée en massothérapie.

Le Massager : Comment votre parcours professionnel a-t-il évolué depuis que vous êtes massothérapeute ?
Anne-Marie Crépin : Après quelques années à masser dans les spas, je me suis questionnée sur le genre de clientèle que j’avais envie de masser sans que l’on me demande sans cesse des « extras ». Dix ans après avoir complété ma formation de base, j’ai suivi une formation en masso-oncologie, puis en drainage lymphatique Vodder, afin d’intervenir auprès des gens vivant avec un cancer ou un lymphoedème. C’est à ce moment que ma carrière a réellement pris son envol.

Au début, je n’étais affiliée à aucun hôpital. Pour bâtir ma clientèle et ma réputation, j’ai donc dû faire ma propre publicité pour me faire connaître auprès des professionnels de la santé dans les hôpitaux. Je recevais déjà à la maison des clients en cancer pour des soins de massothérapie. J’ai organisé une réunion et je les ai invités afin de cibler leurs besoins en tant que client, les effets secondaires des traitements en oncologie et les attentes qu’ils avaient envers les professionnels de la santé. En parallèle, j’ai établi un contact avec Marie-Carl Côté, infirmière pivot en mammographie à l’hôpital de Saint-Eustache. Je l’ai invitée à la rencontre. Elle est venue avec quelques collègues infirmières, ce qui m’a donné beaucoup de visibilité. J’ai fait de même dans d’autres hôpitaux et j’ai renseigné les médecins sur mon travail et les impacts du drainage lymphatique manuel en présence de lymphoedème.

Éventuellement, j’ai eu la chance de collaborer avec la docteure Anna Towers, médecin oncologue et spécialiste en lymphoedème. Tranquillement, j’ai commencé à recevoir dans ma pratique des cas cliniques de personnes qui souffraient de lymphoedème des membres inférieurs. Lorsque j’avais des cas non diagnostiqués ou sans pronostic, ou encore des cas plus sévères, je dirigeais mes clients vers docteure Towers. Elle les rencontrait en l’espace de trois mois et me retournait un diagnostic qui m’aidait à mieux intervenir auprès d’eux.

Docteure Towers m’a énormément soutenue au début. Elle a été pour moi un élément déclencheur dans ma carrière en massothérapie. Aujourd’hui, je pratique chez moi et ma clientèle est très variée. Je reçois beaucoup de gens atteints de cancer et de lymphoedème. Je travaille également avec la Fondation de la massothérapie.

Le Massager : En tant que massothérapeute agréée, quelle est votre relation avec les professionnels de la santé des centres hospitaliers ?
Anne-Marie Crépin : Je me suis vraiment débattue dans le système. Maintenant, je suis devenue une professionnelle qui connaît très bien le lymphoedème des membres inférieurs et supérieurs. Mon expertise est de plus en plus reconnue dans les hôpitaux. Lorsque je reçois un client qui souffre de lymphoedème, je dois avoir un minimum d’informations médicales pour intervenir en toute sécurité. Et c’est là que la collaboration avec les professionnels de la santé et leur ouverture deviennent essentielles. Les infirmières, les médecins, les pharmaciens en sont venus à reconnaître mon travail et à me faire confiance. Ils comprennent maintenant pourquoi je demande des informations se trouvant dans les dossiers médicaux de mes clients. Cette information est nécessaire pour m’aider à bien adapter mes soins de massothérapie à une clientèle qui vit avec un cancer ou un lymphoedème.

Le Massager : Quelle est l’ouverture des professionnels de la santé envers les massothérapeutes ?
Anne-Marie Crépin: Je crois que lorsqu’on évolue dans un domaine spécialisé en massothérapie, que ce soit le cancer, le lymphoedème ou tout autre domaine médical, les professionnels de la santé ne nous voient pas de la même façon. Nous ne sommes plus seulement des massothérapeutes dont le titre n’est pas reconnu. Au contraire, nous sommes considérés comme de véritables professionnels de la santé. Mais même s’il y a de l’ouverture, il reste encore beaucoup de chemin à faire pour informer les médecins, les infirmières et les autres professionnels sur notre travail.

Le Massager : Que conseilleriez-vous aux massothérapeutes qui voudraient évoluer dans le milieu de la santé, en collaboration avec les équipes soignantes ?
Anne-Marie Crépin : Puisque je travaille seule chez moi, je ne fais pas partie de l’équipe d’une clinique multidisciplinaire ou d’un hôpital. J’ai donc dû faire ma place dans le système de santé, me faire connaître. Aux massothérapeutes qui voudraient en faire autant, je leur dirais de ne pas avoir peur de proposer leurs services, même s’ils doivent agir bénévolement à l’occasion. Il ne faut pas rester isolé dans son bureau, dans sa pratique. Les massothérapeutes doivent s’ouvrir, s’informer et rester curieux. Ils ne doivent pas hésiter à cogner aux portes des médecins, des infirmières et des grandes entreprises évoluant dans leur domaine de spécialité pour présenter leurs services et se vendre. Ils auront également besoin d’une formation solide pour percer en massothérapie. En complétant des formations spécialisées, ils seront bien outillés pour intervenir auprès des clientèles malades et répondre aux attentes des professionnels de la santé.

Anne-Marie Crépin fait partie de ces pionniers qui ouvrent la voie à une massothérapie adaptée et de qualité dans le système de santé québécois.  Comme elle, sortirez-vous des sentiers battus?          

Rédaction ❚ KATIA VERMETTE, réd. a.