Fédération québécoise des massothérapeutes agréés (FQM)

Ajuster la pression lors d’un massage : un défi à relever, un équilibre à établir

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En massothérapie, une pression excessive n’est pas recommandable, autant pour la personne recevant le soin que pour le ou la massothérapeute.

Dans votre pratique de massothérapeute, il vous arrive de vous faire demander d’exercer une pression toujours plus forte, séance après séance, ou même au cours d’une même séance. Ce type de demande soulève plusieurs enjeux que l’on pourrait résumer ainsi : comment répondre au besoin perçu du client ou de la cliente tout en respectant les bonnes pratiques en massothérapie, sa déontologie professionnelle et ses propres limites physiques? Voici quelques pistes pour aborder ce dilemme avec professionnalisme, pédagogie et confiance.

Comprendre la demande : au-delà de la pression

Lorsqu’un(e) client(e) insiste pour recevoir un massage avec une pression plus intense, il est important de chercher à comprendre ce qu’il ou elle essaie réellement de communiquer. Souvent, cette demande découle de la croyance selon laquelle « plus ça fait mal, plus c’est efficace ».

Cependant, en tant que professionnel(le), vous savez qu’un massage thérapeutique ne doit pas provoquer de la douleur pour être bénéfique. Une pression excessive peut même entraîner des effets contre-productifs, comme une perte de précision, une tension musculaire accrue, une irritation des tissus ou un inconfort post-massage. De plus, la prise en compte de la condition de santé de la personne s’avère cruciale. C’est là que votre rôle éducatif prend toute son importance.

Informer et éduquer sa clientèle

Un(e) massothérapeute dûment formé(e) est aussi un(e) pédagogue. Dans son Code de déontologie, la FQM indique que : « Le membre doit favoriser les mesures d’éducation et d’information dans le domaine où il exerce. Il doit aussi, dans l’exercice de ses fonctions, poser les actes qui s’imposent pour que soit assurée cette fonction d’éducation et d’information » (article 3). Il est donc de votre responsabilité d’expliquer à votre client(e) que l’efficacité d’un massage, plus que de l’intensité de la pression, dépend notamment des facteurs suivants :

  • La réponse du corps à un soin qui respecte ses limites
  • La régularité des séances
  • La qualité de la respiration
  • La détente du système nerveux
  • La répétition de certaines manœuvres ciblées
  • La capacité du muscle à se relâcher

Des études ont démontré que des techniques de massage à pression modérée ou légère peuvent être aussi efficaces — sinon plus — qu’une approche très intense. Par exemple, Roberts (2011) a observé que l’application de pressions variées plutôt que continues améliore la détente musculaire, comme le montrent des mesures d’électromyographie [1]. De plus, Field (2014), dans une recherche menée auprès d’enfants prématurés, rapporte que les massages à pression modérée peuvent réduire le cortisol, abaisser la fréquence cardiaque, stimuler l’activité vagale et améliorer la régulation émotionnelle [2]. Cela renforce l’idée que la précision et la répétition des manœuvres sont souvent plus bénéfiques que la force seule.

Un essai randomisé contrôlé publié en 2011 montre que même les massages relaxants, appliqués sans pression excessive, peuvent être tout aussi efficaces que des massages structuraux profonds dans le traitement de douleurs chroniques, comme celles du bas du dos [3]. Ces données nous rappellent qu’il existe une pluralité de réponses thérapeutiques qui ne reposent pas uniquement sur la force.

Communiquer

Une communication ouverte, empathique et professionnelle est votre meilleure alliée. Lorsque vous êtes confronté(e) à une demande de pression exagérée, optez pour une posture d’écoute, puis de redirection bienveillante. Vous pouvez également valider le ressenti du client tout en l’orientant. L’objectif est de construire une relation de confiance dans laquelle le client se sent entendu, mais où votre expertise est également respectée.

Respecter ses limites, préserver l’équilibre pour durer

Une autre facette essentielle consiste en la gestion de vos propres limites. En tant que massothérapeute, votre corps est votre principal outil de travail. Si vous cédez à des demandes de pression excessive, vous risquez de vous épuiser physiquement à court terme, et de compromettre la durabilité de votre carrière à long terme.

Il est donc crucial d’écouter vos signaux corporels et de connaître vos limites mécaniques. Personne ne veut hériter, par exemple, d’une blessure au poignet ou d’une tendinite chronique.

Stratégies concrètes :

  • Ajustez votre posture et vos outils — notamment les coudes et les avant-bras — pour réduire l’effort physique.
  • Instaurez une échelle de pression au début du massage pour calibrer les attentes : « Sur une échelle de 1 à 10, à combien évalueriez-vous la pression actuelle? »
  • Expliquez que votre rôle est d’offrir un soin efficace, sécuritaire et durable.

La longévité en massothérapie repose sur l’équilibre entre donner un bon soin et se préserver. Il s’agit d’offrir un soin conscient, adapté et respectueux — autant du corps du client que du vôtre. Poser ses limites ou expliquer les fondements d’une approche thérapeutique ne devrait jamais être perçu comme un manque de professionnalisme, bien au contraire. C’est une marque de maturité clinique et une condition essentielle à la pérennité de votre pratique.

Savoir référer : un acte professionnel

Parfois, malgré vos explications et ajustements, il se peut qu’un(e) client(e) recherche une pression que vous n’êtes tout simplement pas en mesure — ou en droit — d’offrir. Il est alors parfaitement acceptable, voire recommandé, d’orienter cette personne vers un(e) collègue dont la spécialité correspond mieux à ses attentes. Ce geste ne signifie pas un échec, mais bien une preuve de professionnalisme. Il montre que vous connaissez vos limites et que vous priorisez le bien-être du client avant tout.

À ce titre, l’article 15 du Code de déontologie de la FQM stipule : « Le membre doit éviter toute fausse représentation quant à son niveau de compétence ou quant à l’efficacité de ses propres services. Si le bien du client l’exige, il doit consulter un confrère, un membre d’un ordre professionnel ou une personne compétente, ou le diriger vers l’une de ces personnes. »

Note à l’attention du lectorat

La massothérapie se veut une approche complémentaire qui s’inscrit dans la gestion globale de prévention en matière de santé et de bien-être. Pour être efficaces et sécuritaires, les soins de massothérapie doivent être adaptés à votre condition et à vos besoins, et être prodigués par un massothérapeute compétent et bien formé. Pour un massage de qualité, choisissez un massothérapeute agréé ou une massothérapeute agréée.

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Références

[1] Roberts, L. (2011). Effects of patterns of pressure application on resting electromyography during massage. International Journal of Therapeutic Massage & Bodywork, 4(1), 4–11. https://doi.org/10.3822/ijtmb.v4i1.25

[2] Field, T. (2014). Massage therapy research review. Complementary Therapies in Clinical Practice, 20(4), 224–229. https://doi.org/10.1016/j.ctcp.2014.07.002

[3] Cherkin, D. C., Sherman, K. J., Kahn, J., Wellman, R., Cook, A. J., Johnson, E., Erro, J., Delaney, K., et Deyo, R. A. (2011). A comparison of the effects of 2 types of massage and usual care on chronic low back pain: a randomized, controlled trial. Annals of Internal Medicine, 155(1), 1–9. https://doi.org/10.7326/0003-4819-155-1-201107050-00002

Rédaction : Catherine Houtekier, M.B.S.I., rédactrice agréée et réviseure