Fédération québécoise des massothérapeutes (FQM)

Adapter le massage à la douleur chronique : les défis du massothérapeute agréé

Dossiers, Techniques

L’individu qui souffre n’est pas seulement une tension, une douleur. c’est aussi une personne à laquelle sont rattachées des émotions. Et quand la douleur chronique s’installe, elle envahit l’individu sur tous les plans. L’objectif de la massothérapie s’inscrit donc dans son regard holiste : aider le client à mieux gérer la douleur au quotidien.

France Fréchette et Michaël Harvey sont tous deux massothérapeutes agréés et travaillent pour la Fondation de la massothérapie. Dans le cadre de leur travail, ils reçoivent régulièrement des clients souffrant de douleur chronique. Leur approche prône une vision globale de la personne visant tantôt à soulager, tantôt à soutenir, tantôt à accompagner l’individu vers la reconnaissance des sensations. Pour eux, la clé d’une séance réussie est simple : savoir s’adapter aux besoins du client. Comment ? À l’aide d’un questionnaire santé, en laissant la personne s’exprimer et en ajustant chacune de leurs interventions.

UN QUESTIONNAIRE SANTÉ ADAPTÉ POUR UN MASSAGE EFFICACE

Avant de procéder à un massage, tout massothérapeute se doit de faire remplir à son client un questionnaire santé. Ce document permet de faire le point sur l’état physique de l’individu, en identifiant notamment les pathologies dont il souffre, les médicaments qui lui sont prescrits, les opérations qu’il a subies et ses habitudes de vie.

Dans le cas d’un client présentant une douleur chronique, il importe évidemment d’adapter le questionnaire santé à la douleur et à sa gestion. Il serait par exemple pertinent de s’enquérir de l’endroit où la douleur est ressentie (dos, cou, jambes), de son intensité, de la manière dont elle se manifeste (brûlements, élancements, picotements, etc.), de sa fréquence et des facteurs déclencheurs, s’il y a lieu. Le massothérapeute pourrait également trouver intéressant d’obtenir une copie des résultats de certains tests subis par le client. Ce faisant, il sera plus facile d’élaborer le schéma corporel de l’individu et de planifier la séance en fonction de son état de santé.

L’IMPORTANCE DE LA RELATION D’AIDE

Les personnes affectées par la douleur chronique n’existent bien souvent que dans la douleur. Ils en sont venus à organiser leur vie autour de leur souffrance physique. Dans bien des cas, ces gens ont mal en silence et se sentent seuls, isolés. Ainsi, lorsqu’ils arrivent pour la première fois dans une salle de massage, il n’est pas rare pour eux de ressentir un mélange d’espoir et d’appréhension.

À cet égard, le massothérapeute qui intervient auprès d’une personne souffrant de douleur chronique doit reconnaître que l’individu n’est pas indépendant de ses émotions, qu’il n’est pas essentiellement un groupe musculaire. L’objectif du massothérapeute est d’accompagner son client dans ce qu’il vit, en répondant à trois besoins de base : être vu, être reconnu, être entendu. De quelle manière ? Par la relation d’aide.

Afin de bénéficier pleinement de la relation d’aide, il est intéressant de la mettre en application dès le début de la rencontre, mais aussi pendant toute la durée de la séance. Ainsi, après avoir rempli et analysé le questionnaire santé et avant de commencer le massage, le client doit pouvoir verbaliser ses besoins, ses attentes, sa douleur. Ce temps privilégié où il peut s’exprimer sans jugement suffit parfois à faire passer une charge émotive qui le rendra plus réceptif au massage. De plus, cette période laisse libre cours au dialogue. Pour madame Fréchette, « la relation d’aide en douleur chronique est responsable d’une rencontre qui est réussie, tout le temps ». En effet, être à l’écoute du client, c’est lui montrer qu’il n’est pas seul, c’est l’accompagner, lui offrir un soutien.

En outre, la relation d’aide peut être facilitée par le recours au focusing, une approche psychocorporelle développée par le psychologue et philosophe américain Eugene Gendling. Comme le précise monsieur Harvey, le focusing « permet à la personne de gérer une douleur à la fois, de mettre des mots sur des maux ». Parce que le client est à l’écoute des sensations qu’il ressent sur le plan physique, des liens s’établissent entre le corps et les émotions. L’individu n’est alors plus seulement une douleur, mais un tout dont la douleur est l’une des parties.

UNE INTERVENTION INDIVIDUALISÉE

La clé du succès du massothérapeute spécialisé en douleur chronique est de savoir adapter la séance à l’état de son client. Effectivement, le diagnostic diffère d’un individu à l’autre et personne ne vit la douleur de la même façon. Une intervention individualisée est donc essentielle.

Alors que toutes les manœuvres sont intéressantes en massothérapie, elles ne sont pas toutes adaptées à la douleur du client. Grâce au questionnaire santé et en considérant l’individu dans sa globalité, le massothérapeute personnalisera le massage en fonction des besoins exprimés par son client. Mais attention ! Les besoins en douleur chronique ne se limitent pas au soulagement de la douleur. Certains veulent simplement se retrouver dans le moment présent ou mieux respirer, d’autres ne souhaitent qu’être touchés.

Il faut savoir que toutes les techniques et approches de massothérapie qui s’adaptent au client peuvent convenir en présence de douleur chronique (voir l’encadré). Le massothérapeute gagnera cependant à limiter le nombre de manœuvres appliquées. On a effectivement tendance à croire que plus on travaille une même partie du corps, plus le soulagement sera ressenti par le client. Pourtant, le simple fait de poser ses mains sur une zone douloureuse est parfois suffisant pour produire un effet relaxant. D’ailleurs, certains clients souffrent à un point tel que seules de légères pressions glissées ou des vibrations segmentaires douces seront tolérées. Le massothérapeute devra donc viser la simplicité et la douceur dans le choix de ses manœuvres. En fait, ce n’est pas autant une question de pression que de présence.

Peu importe la technique ou l’approche privilégiée, il importe de laisser toute la place à la communication et à la rétroaction entre le client et le massothérapeute. D’une part, le client doit, en cours de massage, se sentir à l’aise d’exprimer une douleur, une sensation désagréable ou agréable, un besoin particulier. D’autre part, le massothérapeute doit être à l’écoute en tout temps et accueillir sans jugement tout commentaire du client. Comme le précise monsieur Harvey, « le client est l’expert de son ressenti corporel ». Le massothérapeute doit donc tirer profit de cette expertise et adapter la séance en conséquence.

RÉAPPRENDRE À VIVRE AVEC LA DOULEUR

Bien que la massothérapie soit efficace pour soulager la douleur chronique, son effet n’est pas curatif et s’avère limité dans le temps. Cependant, en raison de son approche holiste, le massage permet au client de sortir temporairement du cercle vicieux de la douleur et de prendre conscience qu’il est possible de ressentir autre chose que de la souffrance. Le massage vise donc aussi à rendre plus efficace la gestion de la douleur au quotidien.

Grâce à la massothérapie, le client entrevoit petit à petit des moments de répit dans sa vie, il retrouve progressivement un bien-être physique durant la séance, et parfois même au-delà. Et ces effets sont grandement liés à l’intervention multidimensionnelle du massothérapeute : à son écoute, aux techniques de relation d’aide qu’il met en place, aux outils qu’il fournit à ses clients, de même qu’au massage qu’il applique. Des exercices, une prise de conscience, des modifications au mode de vie : voilà autant de moyens qui aideront le client à améliorer sa qualité de vie, à se remettre en mouvement, à revivre. L’intervention du massothérapeute va donc au-delà du massage, et c’est ce qui fait la force de la massothérapie en douleur chronique.

Rédaction KATIA VERMETTE

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