Fédération québécoise des massothérapeutes (FQM)

Relation d’aide ou psychothérapie? Comment respecter les limites de la pratique

Dossiers

LES MASSOTHÉRAPEUTES NE SONT NI PSYCHOLOGUES NI PSYCHOTHÉRAPEUTES. POURTANT, LA NATURE MÊME DE LEUR TRAVAIL IMPLIQUE UNE CERTAINE FORME D’ACCOMPAGNEMENT. LE POINT SUR CETTE MINCE LIGNE QUI DISTINGUE LA PSYCHOTHÉRAPIE DE LA RELATION D’AIDE.

En collaboration avec Sophie Martel, infirmière clinicienne spécialisée en santé mentale, Gabrielle Pagé, psychologue, professeure-chercheuse au département d’anesthésiologie et médecine de la douleur de l’Université de Montréal et chercheuse au Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal.

Le massothérapeute joue un rôle essentiel dans l’accompagnement et le soutien de l’individu anxieux, déprimé ou épuisé. Il remplit entre autres ce rôle par l’application de la relation d’aide, qui se veut « un type de relation à établir dans le cadre d’une intervention qui vise à aider »(1).

La relation d’aide se veut une intervention psychologique, sans pour autant constituer une forme de psychothérapie. Jusqu’où le massothérapeute peut-il aller dans son accompagnement tout en demeurant dans les limites de son champ de pratique?

PSYCHOTHÉRAPIE OU RELATION D’AIDE?

Le Code des professions définit la psychothérapie de la manière suivante :

« Un traitement psychologique pour un trouble mental, pour des perturbations comportementales ou pour tout autre problème entraînant une souffrance ou une détresse psychologique qui a pour but de favoriser chez le client des changements significatifs dans son fonctionnement cognitif, émotionnel ou comportemental, dans son système interpersonnel, dans sa personnalité ou dans son état de santé. Ce traitement va au-delà d’une aide visant à faire face aux difficultés courantes ou d’un rapport de conseils ou de soutien »(2).

On se basera sur cette définition pour déterminer si une intervention constitue ou non une forme de psychothérapie. En effet, la psychothérapie se distingue de la relation d’aide et des autres interventions en psychologie par trois composantes :

1. Sa nature. Il s’agit d’un traitement psychologique. Dans une psychothérapie, on ne veut pas seulement soutenir une personne, comme le fait le massothérapeute en relation d’aide. On vise à traiter, à guérir.

2. Son objet. La psychothérapie concerne la gestion d’un trouble mental, des perturbations comportementales ou d’un problème amenant une souffrance ou une détresse psychologique. Le massothérapeute, de son côté, veut accompagner l’individu vers un mieux-être.

3. Ses objectifs. En psychothérapie, ils visent un changement significatif dans le fonctionnement cognitif, émotionnel ou comportemental de la personne. Pour sa part, la massothérapie recherche avant tout l’autonomisation de l’individu et non sa guérison.

« Quand on parle d’avoir une écoute empathique ou de donner des conseils ou des recommandations à quelqu’un, on n’est pas dans la psychothérapie », souligne la psychologue, professeure et chercheuse Gabrielle Pagé. Un massothérapeute qui reçoit une personne dépressive, anxieuse ou épuisée peut donc, en tout respect du champ de pratique du psychothérapeute, démontrer une écoute attentionnée et prodiguer des conseils, dans la mesure où cette personne s’ouvre à lui.

Dans plusieurs cas, l’individu qui consulte en massothérapie et qui présente un trouble de santé mentale recherchera dans l’immédiat un espace où il pourra se confier, s’il le désire. « Donner de la place à la personne pour qu’elle puisse simplement s’exprimer sera souvent plus aidant que d’offrir une situation où elle pourra se comparer », souligne Gabrielle Pagé. Ainsi, il est préférable d’éviter les remarques du genre « Je comprends ce qui vous arrive, j’ai vécu la même chose dans le passé » ou « Ça va aller mieux demain ». « La réalité est que ça n’ira probablement pas mieux le lendemain », explique Gabrielle Pagé. Ce genre de remarques comparatives peut donc amener une certaine frustration et de la culpabilité chez la personne.

L’INTERDISCIPLINARITÉ EN SANTÉ MENTALE

Le recours à la relation d’aide sous-entend un certain niveau de compétence et de connaissances chez le massothérapeute, ce qui l’aidera à bien gérer les situations qui se présentent à lui.

L’infirmière clinicienne Sophie Martel reconnaît les compétences des massothérapeutes en relation d’aide. « Par leur écoute empathique, ils sont souvent d’une grande aide pour leurs clients, particulièrement en santé mentale », souligne-t-elle. Or, tous les massothérapeutes n’ont pas la même aisance et la même expérience en relation d’aide.

Lorsque la situation devient complexe et que le massothérapeute sent que ses compétences ne sont pas suffisantes pour aider son client, il ne doit pas hésiter à le diriger vers d’autres professionnels. Et rien ne l’empêche de le faire tout en demeurant dans l’accompagnement : « Vous comprendrez que mon rôle est de vous accompagner. Je peux vous écouter, mais je ne pourrai pas vous outiller. J’ai l’impression que vous avez besoin de parler à quelqu’un qui a les compétences pour vous aider à cheminer sur le plan psychologique. Si vous le désirez, je peux vous diriger vers un professionnel spécialisé. »

Le recours aux services de plusieurs professionnels en santé assure non seulement la complémentarité de leurs compétences, mais également une prise en charge plus efficace d’un grand nombre de pathologies, dont les troubles mentaux. Profiter des forces de la médecine, des soins infirmiers, de la psychologie, de la psychothérapie et des différentes approches complémentaires, dont la massothérapie, est la base même de l’interdisciplinarité.

« En santé mentale, les personnes ont besoin d’être bien entourées, explique Sophie Martel. Il faut donc s’assurer de pouvoir les diriger, au besoin, vers un professionnel qui aura les compétences pour adresser la problématique vécue. » Parfois, ce sera un psychothérapeute, d’autres fois, ce sera un massothérapeute. « Ce qui est intéressant avec la massothérapie, c’est que les rencontres sont assez longues, note Gabrielle Pagé. Il s’agit d’un moment privilégié pour le massothérapeute d’être présent et d’écouter la personne. Et juste pour cela, il ne faut pas minimiser l’impact que l’approche peut avoir. »

RÉFÉRENCES
(1) Ordre des psychologues du Québec (2018). L’exercice de la psychothérapie et des interventions qui s’y apparentent. [PDF]. Repéré à https://www.ordrepsy.qc. ca/documents/26707/135241/L%E2%80%99exercice+de+la+psychoth%C3%A9rapie+et+des+interventions+qui+s%E2%80%99y+apparentent/fa9c0531- 3d77-43f6-822e-630176a8dd99
 (2) Code des professions du Québec. L.R.Q. c. C-26

 

Rédaction ❚ KATIA VERMETTE, réd. a.

katiavermette@hotmail.com

❚ LE MASSAGER NOVEMBRE 2018