Fédération québécoise des massothérapeutes (FQM)

Outils d’intervention pour massothérapeutes

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TOUS LES MASSOTHÉRAPEUTES SONT SUSCEPTIBLES DE FAIRE FACE À UNE SITUATION D’INCONDUITE SEXUELLE. AVEC UN PEU D’INFORMATION ET LES OUTILS APPROPRIÉS, ON PEUT CEPENDANT INTERVENIR DE MANIÈRE EFFICACE.

La massothérapie revêt un contexte particulier. La relation thérapeutique entre le massothérapeute et son client implique qu’ils se retrouvent seuls dans une pièce, la porte fermée, les lumières tamisées. Le soin en lui-même amène une certaine intimité. Une ambiguïté peut donc s’installer et potentiellement réveiller chez le client des besoins qu’il pourrait avoir envie de transposer sur le massothérapeute, et ce, même si aucune intention sexuelle n’y est associée.

Pour un client mal intentionné, une ambiguïté dans la relation thérapeutique pourrait le pousser à adopter un comportement inapproprié. Et dans ce contexte, l’inconduite sexuelle devient une possibilité. 

La formation du massothérapeute devrait en théorie lui permettre de reconnaître les situations ambiguës pouvant mener à une inconduite sexuelle. Mais quand une telle situation survient, le massothérapeute peut être surpris et ne plus savoir comment intervenir. La panique peut rapidement s’installer, l’amenant par le fait même à figer ou à réagir avec émotion plutôt qu’à intervenir en recadrant la relation thérapeutique.

J’AURAIS DONC DÛ…

Martin (nom fictif) est massothérapeute depuis un an. Dans sa formation, on lui a montré à reconnaître les situations pouvant mener à une inconduite sexuelle. Il croyait donc être en mesure d’intervenir rapidement et efficacement s’il en était victime. Pourtant, lorsque son client a ramené vers lui ses jambes à la fin d’un massage et lui a dit : « Je m’excuse, j’ai éjaculé », Martin a figé et ne savait pas quoi dire ni quoi faire. Il a terminé son massage. « Ça a l’air tellement évident maintenant, mais sur le coup, je ne savais pas comment réagir », confie-t-il.

De retour à la maison ce soir-là, Martin a analysé la situation sous tous les angles. Lorsqu’il a revu l’homme lors du rendez-vous suivant, Martin est revenu sur la situation. Il a nommé calmement ce qui s’était passé et a clarifié l’intention du client. Ce dernier lui a expliqué qu’il souffrait d’une hypertrophie de la prostate et qu’il était normal que du liquide séminal s’écoule de son pénis.

Quelques séances se sont succédé. Chaque fois, quelques gouttes de sperme tachaient les draps du massothérapeute, probablement, comme se disait Martin, à cause de la condition médicale du client. Puis, vers la dixième séance, l’homme y est allé de propos inappropriés pendant le soin. « Ah ! C’est vraiment bon ! » Sans intervenir, Martin a continué son soin. En terminant une manoeuvre, Martin a accidentellement accroché le pénis en érection de l’homme, qui lui a répondu « Tu vois comment j’aime ça ! »

En y repensant, Martin sait qu’il aurait dû cesser immédiatement le massage. Mais sur le coup, il a décidé de continuer le soin, car il ne restait que quelques minutes. Le soir venu, il a analysé de nouveau la situation. Il était conscient que le comportement du client était inapproprié. Il l’a donc contacté le lendemain pour revenir sur ce qui s’était passé et a terminé la relation thérapeutique.

Comme l’a constaté Martin, il est parfois difficile de savoir exactement quand et comment intervenir face à une situation d’inconduite sexuelle. Voici quelques pistes de réflexion qui pourront outiller le massothérapeute à ce sujet.

AVANT TOUTE CHOSE… L’INTROSPECTION

« Pour un massothérapeute, le meilleur moyen de s’outiller pour faire face aux inconduites sxuelles est de procéder à une introspection », souligne Geneviève Rolland. L’introspection étant le processus d’une vie, le massothérapeute est donc amené, dans le cadre de sa formation, à entamer la réflexion et à la poursuivre dans le temps.

Par introspection, on entend l’observation consciente de ses propres pensées et émotions. Le massothérapeute apprend à se définir, à se connaître, ce qui l’amène éventuellement à poser plus facilement ses limites sur les plans physique, psychologique, émotif et sexuel. Il sera également à même de cibler plus facilement les contextes pouvant l’amener vers un état de vulnérabilité par rapport à son client (ex. : un massothérapeute qui a été victime dans le passé d’une inconduite sexuelle). Rappelons qu’un massothérapeute en situation de vulnérabilité n’est plus en contrôle de la relation thérapeutique.

CONTRÔLER L’ENVIRONNEMENT ET LE CADRE PROFESSIONNEL

Il est établi que, dans le cadre de la relation thérapeutique, le massothérapeute est en situation d’autorité, de pouvoir. Dans ce contexte, il revient au massothérapeute d’assurer le contrôle de son environnement, mais aussi du cadre professionnel dans lequel il évolue. « Quand tu es en contrôle et que tu es conscient qu’une telle situation peut survenir, la surprise est moins grande si ton client pose un geste inapproprié », souligne Nancy Gagnon.

Afin de contrôler son environnement de travail, le massothérapeute pourra, par exemple, identifier l’emplacement des portes et des fenêtres et l’endroit où est rangé son cellulaire, mais aussi prendre conscience de l’énergie dans la pièce et de celle de son client. « C’est la même chose lorsqu’on conduit une voiture ou une bicyclette, explique Nancy Gagnon. Sans devenir paranoïaque, on est conscient de ce qui se passe aux alentours. On est dans la prévention et, à ce moment-là, on est mieux outillé pour gérer la situation. »

Il faut également s’assurer de recevoir le client dans un cadre qui se veut professionnel. Et ce cadre doit être contrôlé par le massothérapeute, et non par le client. On parle des paroles prononcées par le thérapeute, mais aussi de son énergie, de son non verbal (vêtements, tatouages, bijoux, etc.).

Le cadre professionnel doit être établi avant même l’arrivée du client et être maintenu pendant toute la durée du massage et de la relation thérapeutique. « Comme le massothérapeute ne sait pas avec quoi le client arrive, il doit s’assurer d’envoyer un message clair qui ne laisse aucune place à une interprétation du cadre professionnel », explique Geneviève Rolland, sexologue et formatrice en massothérapie. Un massothérapeute qui dégage une confiance en lui ou qui porte sur son client un regard rempli d’assurance, par exemple.

Lorsqu’ils arrivent dans une salle de massage, les clients ont tous des objectifs de consultation que le massothérapeute doit noter et clarifier au besoin pour déterminer son plan d’intervention. En contrepartie, le massothérapeute doit lui aussi exposer explicitement ses attentes envers le client (« Je m’attends à… »). Il s’agit là d’une autre manière d’établir le cadre professionnel dans la relation thérapeutique.

DANS LE DOUTE, CLARIFIER L’INTENTION

Une situation ambiguë installe inévitablement le doute chez le massothérapeute. Ce mouvement du bassin cache-t-il une intention sexuelle ou seulement un inconfort physique ? Que dissimule ce regard insistant ? Lorsque ce genre de questions émerge dans la tête du massothérapeute, il importe de clarifier rapidement l’intention du client.

Il faut savoir que le simple fait de recevoir un massage peut, chez certaines personnes, induire une réaction physiologique appelée excitation sexuelle réflexe, qui peut mener à une érection chez l’homme ou à la lubrification vaginale chez la femme. En l’absence d’une intention sexuelle, le client devient le plus souvent mal à l’aise et se sent coupable de réagir de la sorte pendant le soin. Dans un tel cas, le massothérapeute verra à recadrer la situation de manière respectueuse et compréhensive, en ne ramenant pas l’aspect sexuel dans la relation thérapeutique.

Mais attention ! La situation est toute autre lorsque l’intention sexuelle est présente, que ce soit en gestes ou en paroles. En cas de doute ou d’ambiguïté, il importe donc de clarifier l’intention du client : « Je vois que vous bougez. Êtes-vous inconfortable ? » Car, comme l’explique Geneviève Rolland, « ce qui est nommé ne peut plus être ignoré ».

INTERVENIR AU LIEU DE RÉAGIR

On différencie la réaction et l’intervention par le contrôle des émotions. Lorsqu’une personne réagit, elle ressent une émotion qu’elle a de la difficulté à contrôler. Si, au contraire, elle en vient à maîtriser ses émotions, elle peut alors intervenir.

Dans le cadre d’une inconduite sexuelle, l’intervention sera à privilégier par rapport à la réaction. On peut décrire le processus d’intervention de la manière suivante : 

1) Une situation se présente. « Mon client a une érection pendant le massage. »

2) Cette situation entraîne une interprétation par le massothérapeute. « Il s’agit d’une inconduite sexuelle. » L’interprétation sera différente d’une personne à l’autre, selon son vécu, notamment.

3) Une émotion est ressentie. « J’ai peur pour ma sécurité. » Il pourrait aussi s’agir d’une incompréhension, de dégoût, de tristesse. Encore une fois, l’émotion variera selon la personne.

4) Le massothérapeute peut alors réagir. Il fige, se met à pleurer ou à paniquer. S’il n’a fait aucun travail sur lui, l’émotion ressentie risque de ne pas être contrôlée, ce qui entraînera une réaction qui ne s’inscrit pas dans le cadre professionnel. Ou intervenir. « Je suis désolé, mais je ne suis pas confortable avec la situation. Je vais arrêter le massage et je vous demanderais de remettre vos vêtements. Je vous attendrai de l’autre côté de la porte. » S’il a entamé son introspection, s’il s’est affairé à départager sa sexualité, ses besoins et son travail, le massothérapeute pourra contrôler l’émotion vécue et intervenir dans un contexte professionnel pour recadrer la relation thérapeutique.

Somme toute, il est impossible de prédire sa réaction face à une inconduite sexuelle de la part d’un client. Mais avec une formation et des outils adaptés, on peut se préparer à y faire face.

 

SI VOUS FIGEZ ET RÉAGISSEZ DEVANT UN COMPORTEMENT INAPPROPRIÉ :

Prenez un temps d’arrêt pour analyser la situation. Si nécessaire, éloignez-vous physiquement de la table de massage.

Centrez-vous et respirez.

Vérifiez où vous en êtes, identifiez les émotions que vous ressentez.

Demandez-vous si vous êtes en mesure d’intervenir. Si oui, intervenez.

Si, malgré tout, vous sentez que vous êtes en danger, sortez de la salle.

 

Rédaction KATIA VERMETTE

katiavermette@hotmail.com

LE MASSAGER AOÛT 2018

 

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