Fédération québécoise des massothérapeutes (FQM)

Alerte aux allergènes

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Les produits utilisés en massage

Bien qu’elles ne soient pas fréquentes en massothérapie, des réactions allergiques peuvent survenir. Si la personne-cliente souffre d’asthme, de rhume des foins, d’eczéma, détaillez soigneusement votre questionnaire-santé sur d’éventuelles allergies. Choisissez des produits simples, neutres et sans parfum. Restez attentifs à tout signe de réaction cutanée, respiratoire ou systémique. Pour connaître les signes et symptômes des réactions allergiques et les soins à prodiguer lors d’un choc anaphylactique ou d’une crise d’asthme, consultez l’article de Daniel Pagé (Les réactions allergiques bénignes et de type anaphylactique) qui précède dans nos pages.

Nous vous proposons ici un tableau non exhaustif des produits que nous utilisons en massage. Certains plus que d’autres sont susceptibles de déclencher des réactions respiratoires ou cutanées. Nous élargirons la question pour inclure les huiles essentielles dermocaustiques qui, sans être allergogènes, peuvent provoquer des irritations de la peau ou même des brûlures.

Les agents de glissement

Les agents de glissements sont généralement offerts sous forme d’huiles de massage ou de lotions. Simples ou composées, elles contiennent des huiles d’origine minérale (tirée, comme la vaseline, du pétrole), parfois animale (lanoline, huile d’émeu, parfois de poisson désodorisée,) et le plus souvent végétale.

Parmi ces dernières, on retrouve en formules simples ou composées les huiles de fruit (avocat, coco ou coprah, jojoba, noyau d’abricot, olive, pépins de raisin…), de graminées (carthame, chanvre, germe de blé, sésame…), de noix (amandes douces et amères, argan, macadam, noisettes) de tournesol et des huiles de soja, de ricin, de rose musquée, d’onagre et de bourrache…[1].

Certaines personnes sont allergiques à la lanoline, plus rarement à l’huile d’olive[2] ou possiblement à l’huile de coco.

Utiliser une huile simple, plutôt qu’un mélange, diminue les risques de réactions indésirables, ou facilite l’identification de l’allergène.

 

Attention !

Les huiles de noix peuvent causer des réactions anaphylactiques soudaines. Les huiles de soja, d’amande, de tournesol, de maïs et de carthame contiennent de l’acide arachidonique. Mieux vaut les éviter à cause des risques de contamination croisée. Des molécules pourraient se retrouver sur la bouteille, les poignées de porte, les robinets de la salle de bain et autres objets lors de l’utilisation pour d’autres clients et toucher ensuite la personne allergique.

Les huiles essentielles

Les huiles essentielles utilisées en massothérapie sont absorbées par la peau et les voies respiratoires. Lorsqu’elles sont authentiques et non frelatées elles provoquent rarement des réactions allergiques. Toutefois, même faible, le risque demeure. La dermocausticité de quelques huiles essentielles peut résulter de l’un ou de plusieurs de ces trois facteurs : elles peuvent être mal dosées – chacune a sa posologie particulière selon les ingrédients actifs qui la composent – ou encore ajoutées au mauvais excipient. Certaines huiles essentielles en effet ne se diluent que dans l’alcool à 70°, 80° ou même 90°, d’autres ne se dissolvent que dans l’huile (celles-là sont dites liposolubles).

Les huiles essentielles contiennent naturellement (ou par altérations) plusieurs agents actifs, par exemple des phénols, des terpènes, etc. La meilleure façon de vérifier si une huile essentielle peut être irritante pour la peau est de vérifier sa composition chimique. Un bon manuel d’aromathérapie qui détaille les principes actifs des huiles essentielles est donc essentiel pour tout massothérapeute. On peut aussi se guider grâce au nom, en général latin, de l’H.E. par exemple pour le thym : thymus vulgaris geranioliferum. Ce troisième élément du terme (se terminant par les suffixes iferum ou ifera) indique le chémotype (la molécule), ici le géraniol, dominant dans l’huile essentielle. C’est comme pour le vin : le chémotype peut varier pour une même plante selon sa provenance – sol, climat, maturité, partie de la plante utilisée et même année de récolte. Certains producteurs indiquent plutôt le chémotype entre parenthèses, en français, à la suite du nom, par ex. cymbopogon winteranius (citronellal) ou citronnelle de Java (citronellal). L’organisme élimine la moitié des molécules absorbées par la peau et les voies respiratoires en 30 à 40 minutes environ, exception faite des cétones, qui peuvent s’accumuler dans l’organisme.

Il est essentiel de tenir compte du chémotype dans l’emploi des huiles essentielles en massothérapie, et tout autant d’utiliser une H.E. de qualité thérapeutique et non cosmétologique. En effet, plusieurs d’entre elles, même dites 100℅ pures, peuvent être allongées avec des huiles végétales ou minérales, d’autres huiles essentielles moins chères – naturelles ou synthétiques- des agents émulsifiants, de la térébenthine ou de l’alcool. Certaines sont décolorées avec des solvants puis reteintées, d’autres modifiées par ajout ou retrait de composants. Par exemple, si on retire le limonène de l’huile essentielle de citron, on obtient une H.E. déterpénée, qui se conserve mieux, mais devient plus agressive pour la peau. Ces différentes altérations peuvent aussi rendre les H.E. allergisantes et toxiques.[3] Même le fait qu’une H.E. soit « pure » ou « authentique » ne la rend pas exempte d’éléments allergènes.

Les baumes et lotions analgésiques

Les massothérapeutes emploient parfois des baumes analgésiques sur les zones douloureuses des affections musculo-squelettiques. Parmi les produits dits naturels, notons le gel d’arnica, les huiles de genévrier, de moutarde, au santal (massage ayurvédique), le « tiger balm ». Lisez les étiquettes et les documents fournis ! Sinon cherchez la composition des produits sur Internet.

À titre d’exemple, le « tiger balm » rouge contient du camphre, du menthol, des huiles essentielles de cajeput, de cannelle (cassia) et de clou de girofle ; le blanc : du camphre, de l’huile de menthe démentholisée, du menthol, de l’huile essentielle d’eucalyptus. Quant au liniment, on y trouve en plus de l’H.E. de lavande aspic. L’huile essentielle de cannelle est dermocaustique. Bien que l’asthme ne soit pas physiologiquement une réaction allergique il peut être déclenché par un allergène. Par ex. les huiles essentielles d’eucalyptus et de lavande aspic peuvent provoquer une crise chez la personne asthmatique. Lors du questionnaire santé, vérifiez toujours si la personne asthmatique a son inhalateur de secours (pompe) avec elle.

Attention ! La moutarde est l’un des principaux allergènes. L’arnica montana, le santal et les camomilles allemande et romaine sont aussi reconnus comme possiblement allergogènes.

 

ATTENTION !

Baumes analgésiques inodores, thermogènes ou gels glacés

Le menthol et/ou un salicylate de méthyl à plus ou moins forte concentration constitue l’ingrédient actif commun à tous ces baumes. Le camphre s’y retrouve fréquemment, ainsi que l’eucalyptus ; enfin la capsaïcine (ingrédient « chaud » du piment, susceptible de provoquer des brûlures) en particulier dans les baumes thermogènes.

Évitez de les utiliser pour une personne asthmatique si le produit contient de l’H.E. d’eucalyptus

si elle est allergique aux salicylates ou si elle prend des anticoagulants (par ex. du coumadin).

Renoncez aux produits contenant de la capsaïcine.

 

Les composants dermocaustiques et allergisants[4]

 

Voici une liste non exhaustive des composants susceptibles de se retrouver dans les huiles essentielles ou encore dans les huiles et lotions de massage. Une H.E. contient plusieurs ingrédients actifs. Dans la liste ci-dessous, le fait qu’un ingrédient se retrouve dans l’huile essentielle nommée n’exclue pas la présence de composants secondaires possiblement allergènes. Tout le monde n’y est pas allergique, bien sûr, l’hypersensibilité varie d’une personne à l’autre. La réaction dépend aussi du type d’allergène, de sa concentration et de la durée d’exposition.

· Produits chimiques :

  • Amerchol L 101 : obtenu par hydrolyse de la lanoline ; agent émollient et émulsifiant dans lotions et médicaments cutanés ;
  • MDBGN : agent de conservation dans les médicaments topiques ;
  • Paraben dans les crèmes, onguents et lotions.

· Huiles essentielles :

· Citral : allergène. H.E. d’ylang-ylang, de palmarosa, de géranium, de néroli, de lemon-grass, de houblon et de lavande ;

· Citronnellol : allergène. H.E. de géranium, de rose ;

· Coumarin : allergène et anticoagulant[5]. H.E. lavande, de cannelle ;

· Eucalyptol : pourrait déclencher l’asthme. H.E. d’eucalyptus; de lavande; de ravensara, de romarin, de niaoulide laurier, etc. ;

· Eugénol et certains autres phénols: (par ex. carvacrol, thymol,) : dermocaustiques et allergènes. H.E. de thym, d’origan, de girofle et de poivre ;[6]

  Géraniol : allergène. H.E. de géranium, de palmarosa, de rose, d’ylang-ylang ;

· Lactones sesquiterpéniques : provoquent des réactions allergiques cutanées étendues : H.E. de laurier noble ;

· (Certains) terpènes: par ex. aldéhides terpéniques : dermocaustiques : H.E. de cannelle dans la composition du Tiger Balm rouge ;

o hydroperoxydes terpéniques – produits à haute chaleur ou par un problème de conservation (lumière, soleil, chaleur) : H.E. de pin sylvestre et d’épinette noire. 
 

Attention !

Les huiles essentielles potentiellement allergogènes

Prudence ! avec toute personne présentant un terrain allergique (eczéma, asthme, rhinite allergique, etc.). Préférez une huile à massage neutre. Ou faites un essai de votre huile additionnée de l’H.E. choisie en respectant les dosages sur une petite surface à l’intérieur du bras, en prévision d’une session de massage ultérieure (observation des réactions : 24 heures).

· H.E. d’épinette noire (Picea mariana)

· H.E. de cannelle (Cinnamomum verum)

· H.E. d’eucalyptus (Eucayptus globulus, E. radiata et E. citronnata)

· H.E. de géranium bourbon (Pelargonium roseum)

· H.E. de jasmin (Jasminum Grandiflora)

· H.E. de laurier (Laurus nobilis) : allergisante par voie cutanée[7]

· H.E. de lavande : toutes mais en particulier la lavande aspic (Lavendula latifolia)[8].

· H.E. de melaleuca (Tea Tree) ( Melaleuca alternifolia)[9]

· H.E. de menthe poivrée (Mentha piperita)[10]

· H.E. de niaouli (Melaleuca quinquenervia cineolifera)

· H.E. de pin sylvestre (Pinus sylvestris)

· H.E. de ravensara (Ravensara aromatica)

· H.E. de romarin (Rosmarinus officinaliscineoliferum, caphoriferum et verboniferum)

· H.E. de rose (Rosa centifolia et R.damascena) : la véritable est rare et chère, donc souvent extraite avec des solvants, reconstituée ou frelatée)[11] et H.E. de bois de rose

· H.E. de santal (Santalum album)

· H.E. d’ylang-ylang (Cananga odorata)

 

 

 

 

 

 

Rédaction : Michèle Guérin, massothérapeute agréée, andragogue

Collaboration et révision : Dr André Ménard, MD, dermatologue.

Vol 28 numéro 1
Date de parution : 01-05-2011
 
 

[1] Nicole Maurice : Le choix des huiles végétales en aromathérapie. . Chronique l’Aromathérapie. Le Massager 13 -4. Fév. 1997 pp 15-18

[2] Ménard Dr A., Durocher Dr. L.P., Richard Dr. M: Fiches pour les patients sur les principaux allergènes et leurs sources. Laboratoires Dormer

[3] Nicole, Maurice : Les critères de qualité des huiles essentielles : un facteur déterminant de succès en aromathérapie. In Chronique l’Aromathérapie 2. Le Massager 12 -2. Sept. 1995. pp 9-13

[4] Nicole Maurice : Risques professionnels associés à l’exposition continue aux huiles essentielles. Chronique l’Aromathérapie 3. Le Massager 12 -3. Nov. 1995. pp 3-8

[5] Ménard Dr A., Durocher Dr. L.P., Richard Dr. Mop. cit

[6] Ménard Dr A., Durocher Dr. L.P., Richard Dr. Mop. cit.

[7] Nicole Maurice : De la molécule à l’action thérapeutique: la clé de l’aromathérapie et de ses applications à la massothérapie. Chronique l’Aromathérapie 4. Le Massager 12 -4. Fév. 1996 pp 21-24

[8] Maurice Nicole, op. cit. et Ménard Dr A., Durocher Dr. L.P., Richard Dr. Mop. cit.

[9] Ménard Dr A., Durocher Dr. L.P., Richard Dr. Mop. cit.

[10] Idem

[11] Bardeau Fabrice : La médecine aromatique. Éditions Robert Laffont 1976